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23 octobre 2016

Tout ce qui n'arrivera jamais - Chapitre 2 : Polarité contraire

Chapitre 2 - Polarite contraire

Geoffrey M'Benga, médecin à bord de l'Enterprise, était à peu près certain qu'il n'avait jamais été préparé à ça.

Il avait pris son quart depuis presque deux heures lorsque les portes de l'infirmerie s'étaient ouvertes sur la silhouette mince d'une Vulcaine qu'il n'avait encore jamais vue, suivie de près par un Spock égal à lui-même (impassible et professionnel) et un Jim hilare qui essayait de ne pas s'écrouler pour se répandre sur le sol en quelque chose de pitoyable. Son rire, incontrôlé et tonitruant, semblait agresser les deux paires d'oreilles vulcaines de la pièce et, si on se fiait aux larmes qui coulaient de ses yeux bleus, particulièrement douloureux. En sa qualité de médecin, M'Benga comprit rapidement que l'état de Kirk n'était pas dû à une bonne plaisanterie, et il sauta littéralement de son siège pour se précipiter vers lui, un tricordeur dans la main. Alors qu'il l'auscultait, Spock se mit à résumer la situation et ce qui était l'affreux résultat d'une dégustation nostalgique de plats vulcains réputés qui semblaient avoir des effets nocifs sur le corps humain. A la mention du pan'ta, un fruit très amer à chair sèche et rugueuse, M'Benga poussa un soupir à mi-chemin entre le soulagement et le sarcasme, et il rejoignit hardiment le laboratoire de la clinique pour préparer un antidote.

Il l'avait toujours su. Il avait toujours su que ses études de médecine sur Vulcain lui seraient un jour utiles, et ce malgré les nombreuses railleries et critiques incomprises dont il avait fait l'objet. Certes, l'Enterprise n'avait qu'un seul Vulcain (oh, attendez, deux en fait), mais connaître la culture et la physionomie de ce peuple lui servait en cet instant, et il savait, il sentait, que McCoy aurait, lui, essayé de régler le problème de la crise de rire de Kirk en le menaçant avec un hypospray. Pas que ça n'aurait probablement jamais marché, mais M'Benga préférait traiter ce genre de petits dommages collatéraux de façon moins drastique et plus professionnelle. Après tout, sa fierté de « Vulcain de cœur » était en jeu, et qui savait à quel point les Vulcains pouvaient être fiers.

Le médecin prépara rapidement le composé qui annulerait les effets du pan'ta sur l'organisme de Kirk, intimement satisfait de sentir qu'il contrôlait les choses, cette situation, sa vie et toute sa carrière merveilleusement ornée de son affectation sur l'Enterprise. C'était quelque chose dont il était fier.
Pourtant, rien ne le prédisposait à comprendre ni à contrôler ce qui se passait dans l'infirmerie lorsqu'il y revint avec un hypospray chargé. Et il eut subitement l'impression d'être un stupide incapable.

Jim riait toujours, mais cette fois d'une façon plus effrayante et affolée, et M'Benga savait que s'il ne lui donnait pas cet antidote rapidement, son état pourrait empirer sévèrement, mais ce n'était pas ce qui le cloua sur place. Ce n'était pas Spock non plus. En fait, c'était la petite Vulcaine blonde, qui s'était curieusement mise à parler en langage standard mais avec un accent écossais tellement prononcé que même celui de Scotty (surprenamment présent) semblait être académique à côté. Ledit Scotty gesticulait avec excitation en évoquant avec nostalgie et fierté son pays natal et, c'était précisément ce qui avait figé M'Benga, Sana l'y encourageait en se comportement plus ou moins de la même façon ; « Vulcain » et « discussion émotionnellement agitée » ne faisant pas bon ménage dans la tête du médecin.

Heureusement, le court-circuitage de son esprit ne dura pas longtemps, et il bondit ensuite vers Jim pour le calmer de ce qui ressemblait à présent plus à une crise de nerf sanglotante et étranglée, entrecoupée de spasmes. Il plaqua la tête de l'hypospray contre son bras et pressa. Quelques instants plus tard, le capitaine essayait péniblement de reprendre sa respiration, étendu de tout son long sur un lit de l'infirmerie, l'air hagard et perdu. Spock ne parlait pas, comme si, vous savez, ce n'était absolument pas nécessaire pour clarifier ce qu'il se passait du côté écossais de la pièce. Il ne semblait tout simplement pas surpris et se contenta de rester silencieusement, les mains nouées dans le dos, à côté de Jim. De ce fait, M'Benga dû aller à la pêche aux informations seul. Il s'approcha donc de l'ingénieur et de son interlocutrice.

« Commandeur...? »

La voix du médecin était sérieusement empreinte de doute et de peur, comme si l'idée qu'un Vulcain puisse se comporter ainsi l'effrayait. Sana pivota dans sa direction, et reprit en une fraction de seconde sa posture figée et son non-accent starfleetien.

« La petite a vécu en Ecosse », justifia-t-il pour elle l'ingénieur. « Dans les Highlands.

- Dans les– Mais, vous êtes bien Vulcaine ? » Son trouble était aisément perceptible, et plus que de la peur, il y avait maintenant surtout du doute et de l'incrédulité dans sa voix. Il regarda tour à tour Scotty et Sana.

« Affirmatif. Il se trouve néanmoins que j'ai quitté Vulcain à un âge relativement précoce. A cinq ans, trois mois et quatorze jours, pour être tout à fait exacte.

- Oh, donc vous avez grandi sur Terre, » finit par comprendre le médecin.

« C'est exact.

- Mais pourquoi les Highlands ? » demanda-t-il avec curiosité. « C'est une région froide pour des Vulcains et assez isolée de la Fédération et de Starfleet, est-ce que vos parents avaient des postes dans une ambassade ou... quelque part ? »

A cet instant, Jim voulut lui répliquer que des Vulcains venant vivre sur Terre n'étaient pas forcés d'être des autorités diplomatiques ou politiques et qu'ils étaient libres de faire les métiers qu'ils voulaient, surtout qu'il présumait que l'Ecosse était un pays fantastique pour tout ce qui était étude biologique, environnementale et géologique, mais il avait failli mourir d'une crise de rire provoquée par un fruit exotique et ses poumons le faisaient affreusement souffrir. Il resta donc coi, bien que cela le démange d'essayer quand même.

Au même moment, l'expression de Sana changea quelque peu. Son regard se fit un peu plus émotif, une lueur étrange, à la fois mêlée de tristesse et de colère, fit briller leur bleu surnaturel ; une très légère moue plissa ses lèvres ; puis elle redressa la tête avec un air de défi manifeste. Même si personne ne sut contre qui il était dirigé.

« J'étais seule. J'ai été admise peu après mon arrivée à la Pension Moncrieff.

- Oh, je suis désolé. » M'Benga se reprocha d'avoir demandé, avant de se dire qu'il n'aurait de toute façon pas pu deviner. Autour d'eux, le temps sembla comme suspendu, figé et l'air était étrangement épais. Le médecin hésita un instant à continuer à questionner le Commandeur, ne souhaitant pas être trop intrusif, mais Sana semblait moins secrète que Spock, ce qui le décida à reprendre : « Vous n'avez donc pas eu d'instructeur Vulcain ?

- Non, mais il m'a semblé rapidement évident que Starfleet était le seul moyen pour moi d'avoir une place, une véritable place, dans cet univers. »

Elle adressa à ce moment un regard entendu à Spock, qui hocha doucement la tête. M'Benga les regarda tous deux avant de revenir vers Sana, soudain très sérieux.

« Navré, mais j'aimerais pouvoir m'entretenir plus longuement avec vous à ce sujet. Vous faites partie de l'équipage de l'Enterprise pour quelques temps, je pense qu'il est nécessaire, au moins pour l'équipe médicale, de savoir ce qui nous attend si... Enfin, sans aller jusqu'à parler d'instabilité émotionnelle, admettez que vous présentez plus de danger que le Commandeur Spock.

- Je le conçois. Je parlerai avec vous. »

Le médecin acquiesça, visiblement satisfait, puis il lui fit signe de le suivre dans le bureau, situé à l'opposé du laboratoire, et ils laissèrent Jim, Spock et Scotty seuls.

oOo

C'était le milieu de l'après-midi à présent, le lieutenant Uhura avait terminé son quart depuis un peu plus de deux heures. Après un rapide passage à ses quartiers pour se rafraîchir et passer une tenue moins formelle que son uniforme, elle prit le turbolift pour rejoindre les ponts les plus bas de l'Enterprise, là où se trouvaient, certes les contrôles des réacteurs, les hangars et les réservoirs de carburants, mais aussi les installations les plus intéressantes. Un vaisseau de cette ampleur, avec un équipage aussi conséquent et des missions aussi longues, se devait d'être équipé pour permettre à chacun de se détendre et de se sentir chez lui. Tout un complexe sportif était mis à disposition, ainsi que divers jacuzzis, mais ce n'était pas ce qui l'intéressait en cet instant.

Nyota quitta l'ascenseur et suivit le couloir sur sa droite et qui rejoignait le flanc bâbord de l'Enterprise. Là, se trouvait d'un côté un salon d'observation, dont l'immense baie vitrée et les lumières tamisées (même pendant la période diurne) permettaient d'observer l'espace et de se sentir si ridiculement et inutilement petit qu'on pouvait être étourdi ; et de l'autre côté, le jardin botanique. C'était une large serre ouverte sur l'univers de la même façon que la salle précédente, mais les synthétiseurs de lumière solaire diminuait le côté « isolé et minuscule », la température était un peu plus élevée que sur le reste du vaisseau, l'air un peu plus humide, et la ventilation diffusait une très légère brise. Tout cela, combiné à la densité luxuriante de la végétation, rendait cet endroit comme un îlot terrestre au milieu du néant et du silence.
La journée, la serre était sillonnée par les laborantins et les scientifiques, ainsi que par quelques promeneurs. C'était une destination appréciée par l'équipage pour le bol d'air frais qu'elle pouvait offrir. Mais le soir, c'était différent. Il n'était pas rare que des couples viennent profiter de son ambiance vivante, des lumières qui simulaient la chaleur d'un coucher de soleil, et de la beauté de l'espace piqueté d'étoiles visible par la baie d'observation. Nyota ne s'y aventurait pas pendant les heures qui précédaient la période nocturne, sa relation avec Spock périclitait à cause de nombreux facteurs (le principal étant la différence culturelle, et la jeune femme avait beau s'informer, le peuple Vulcain était bien trop secret sur ses traditions et son fonctionnement pour qu'elle puisse se sentir à l'aise) et l'idée de se retrouver à tenir la chandelle aux amoureux ne la tentait pas. Rien n'était encore perdu cependant, mais elle ne pouvait affirmer que tout se passait bien entre eux.
Alors elle préférait venir se ressourcer au jardin botanique pendant la journée, et elle avait de toute façon pris l'habitude d'y retrouver régulièrement des amis, en fonction des heures de service de chacun. Aujourd'hui, c'était Christine Chapel, l'infirmière qui assistait les deux médecins dans leur tâche difficile de maintenir l'équipage en bonne santé, et en vie.
Christine avait un temps quitté l'Enterprise, certaine qu'elle serait bien plus heureuse loin d'un commandant aussi étrangement unique et particulier que l'était James Tiberius Kirk, mais elle s'était rapidement rendue compte que l'énergie et le sentiment de chaleur, d'appartenance, de possession, que lui avait procuré son temps avec cet équipage, ces hommes et ces femmes, ce capitaine, lui manquaient atrocement, et elle avait fait la demande de revenir. Nyota, principalement cadette lorsque Christine était en poste, n'était devenue amie avec elle qu'à son retour sur le vaisseau, mais leur amitié était aussi sincère qu'une autre.

L'ingénieure en communication s'avança dans le jardin, laissant ses doigts effleurer les larges feuilles émeraude ou les pétales colorés des fleurs qui formaient une sorte de tunnel de verdure vers l'extrémité de la serre, où se trouvait les diverses alcôves ; puis elle bifurqua et se dirigea vers celle où elle était attendue.
Camouflée par un muret blanc sur lequel poussaient des plantes aux feuilles aussi imbriquées et plissées que celles d'un chou, mais fendues et étendues que celles des fougères arborescentes, la banquette se trouvait non loin de la baie vitrée, bien qu'elle soit tournée vers une épaisse haie, mouchetée de fleurs jaunes de la taille d'une mouche. Christine était déjà là, habillée d'une robe bleu pâle qui faisait ressortir ses yeux et sa chevelure blonde. Nyota la salua énergiquement et s'assit à côté d'elle.

« Quoi de neuf ? » demanda-t-elle.

« Il paraît que le Commandeur Sana, tu sais, le capitaine de l'Excalibur, est Vulcaine.

- Ah oui ? »

Nyota se demandait bien pourquoi, entre tous les sujets qu'elle aurait pu aborder, elle parlait spécifiquement de Sana. Elle pressentit une volonté intimement compatissante et respectueuse de son amie de venir à parler de Spock, et elle apprécia la démarche. Mais elle n'avait pas envie de parler de son compagnon en cet instant, car elle était pleine de doutes, elle qui montrait pourtant une confiance en elle presque infaillible (et c'était ce qui faisait qu'elle était indispensable à son poste). Mais aussi, oh ! Christine était son amie, et elle pouvait bien se confier, après tout.

« Je ne sais pas quoi faire à propos de Spock », avoua-t-elle avec franchise en baissant un instant les yeux, assez fugacement pour voir dans le regard de l'infirmière qu'elle avait bien présumé. Christine eut une expression sincèrement désolée et elle posa sa main sur son bras.

« Je ne suis pas une experte en Vulcains comme le Docteur M'Benga, mais je me doute que ça peut être compliqué. Je veux dire, il y a des peuples moins difficiles à comprendre qu'eux, autour de nous. Moins réservés, moins froids.

- Ils ne sont pas dénués d'émotion », la corrigea Nyota avec une voix un peu trop dure. « C'est juste qu'ils ne les montrent pas.

- Oui, je sais, excuse-moi ». Christine caressa amicalement le bras de son amie, comme si elle voyait sa peine de ne pas arriver à s'accorder avec celui qu'elle aimait. « Tu sais que je te soutiendrai toujours, mais depuis quelques temps, je me demande si ce ne serait pas plus simple pour toi de... »

Sa voix mourut dans l'air humide et tiède de la serre quand l'infirmière croisa le regard de son amie. Nyota avait compris ce qu'elle voulait dire, tellement perspicace et vive d'esprit, et lui indiquait par ses sourcils légèrement froncés, cette petite ride sur son front et sa bouche incurvée par le bas qu'elle ne souhaitait pas qu'elle termine cette phrase. Christine détourna les yeux et retira sa main de son bras.

« J'apprécie que tu t'inquiètes pour moi, Christine, vraiment. »

Nyota avait repris la parole calmement, son instant de colère envolé comme il était venu.

« Mais on ne choisit pas qui on aime.

- Je le sais. Oh ! Je le sais tellement, Nyota. »

Sa voix ressemblait à une supplique, à une confidence étranglée, qui disparut en un claquement de doigt comme si elle n'avait jamais voulu la montrer, mais que l'émotion était là, et déchirante et douloureuse dans sa poitrine. Uhura resta silencieusement un moment et décida de ne pas la forcer à se dévoiler, Christine le ferait d'elle-même lorsqu'elle en aurait envie.

« Je ne sais pas quoi lui dire », reprit-elle doucement. « On se voit peu en dehors des services, à cause de ses responsabilités de Premier Officier, je le sais bien mais– Je fais des efforts, j'essaie, c'est juste qu'il me manque et– Enfin... Je ne voudrais pas le presser, paraître insistante, mais il ne demande jamais à ce qu'on se retrouve seuls. Tu vois ? C'est comme si on n'était rien de plus que de très bons amis.

- Tu n'as jamais pu lui en parler ?

- Non. Il travaille plus que nous puisqu'il doit seconder le Capitaine ou le remplacer ; en plus de ça, il prend toujours du temps pour ses expériences, il fait du sport : il dit que c'est important pour que son corps ne s'affaiblisse pas à cause de la faible gravité du vaisseau... Si tu comptes, il reste à peine les moments des repas et la nuit. Sauf que je travaille de nuit une semaine sur trois et il mange la plupart du temps avec le Capitaine pour lui faire ses rapports ou organiser les missions.

- C'est compliqué... » souffla Christine en s'affaissant sensiblement sur la banquette, comme écrasée par le poids de la situation de son amie. Elle sembla réfléchir quelques instants, puis elle se redressa et se tourna vers elle en affichant un regard malicieux et confiant. « Et si je te présentais quelqu'un ? »

Nyota manqua de s'étouffer, et son regard reprit cette teinte noire et sévère qui lui était commune lorsqu'elle était en colère.

« Pardon ?

- Pas quelqu'un qui remplacerait le Commandeur Spock, mais quelqu'un qui pourra plus te conseiller sur comment tu dois lui parler.

- Il y a quelqu'un qui connaît assez Spock pour ça ? » Elle réfléchit, passant en revue les membres de l'équipage. « Le Capitaine ?

- Non, même si c'est vrai qu'il le connaît bien.

- Le Docteur M'Benga, alors ?

- Non plus.

- Qui alors ? » la pressa Uhura, ne voyant pas qui pourrait l'aider à part l'un des amis du Premier Officier ou un médecin qui avait fait ses études sur Vulcain.

« Tu verras. Fais-moi confiance. »

oOo

A dix-sept heures, cela faisait presque une heure et demie que Jim et Spock étaient de retour sur la passerelle. Grya, le pilote-en-chef en service, un jeune homme à la peau légèrement verte (mais d'une manière différente de celle de Spock, avait remarqué Jim, et de toute façon, le navigateur semblait plus avoir de l'Orion que du Vulcain) s'était tourné vers son supérieur pour l'informer que l'arrivée sur la station scientifique était prévue pour le lendemain en début d'après-midi. Le Capitaine commença à faire le tour des consoles afin d'avoir les relevés et les résultats amassés par les senseurs concernant la nébuleuse qu'ils allaient devoir approcher pour rejoindre Azure X, lorsqu'une chose improbable se produisit.

Toute la pièce fut soudainement plongée dans le noir, tout était éteint, des lumières au moindre voyant des consoles, les réacteurs, les couloirs et les systèmes environnementaux. Le générateur principal était éteint, et l'auxiliaire ne prit pas le relais, se contentant d'assurer ses maigres tâches de base, comme l'éclairage de secours, le système de séparation de la soucoupe, et quelques radars, ce qui n'était pas très utile en l'instant.

Il y eut une embardée lorsque la gravité se mit soudain à défaillir : des cris étouffés et des exclamations retentirent tandis que chacun essayait de rester au sol en s'agrippant à ce qui était à portée, qui un fauteuil, qui une rambarde, qui une console. Déjà, des padd se mettaient à voler en tous sens, Jim baissa vivement la tête pour en éviter un ; mais il saisissait l'urgence de la situation plus que n'importe qui d'autre. Car sans système de contrôle environnemental, il n'y avait plus de gravité, mais non plus de régulateur de température ou de pompes d'aération. Si le courant ne revenait pas rapidement, le vaisseau était mort.
Privé de courant, l'Enterprise avait quitté la distorsion, mais la poussée précédente des propulseurs continuait à la faire avancer par énergie cinétique, et elle se déplaçait comme un objet inanimé, au milieu de cet univers froid, vide et mortel, en tournant lentement sur elle-même.

Jim allait ordonner à la passerelle de garder son calme et d'essayer de bouger le moins possible (et donc de respirer le moins possible) quand, devant eux, apparut une chose étrange, immatérielle, une boule d'énergie qui flottait devant l'écran principal, faite d'une multitude de tous petits canaux tordus et lumineux, qui grésillait et vrombissait, et diffusait une impression vraiment bizarre de vie supérieure. Elle s'approcha, projetant sa lumière blafarde, d'un jaune vif, sur le sol poli de la passerelle, les consoles, le plafond, les visages des membres de l'équipage. Elle s'approcha et tendit une partie d'elle vers les tableaux de bord de l'Enterprise, et cet infime canal, ce morceau d'énergie, s'allongea, grandit, et s'étira encore, jusqu'à former comme une sorte d'appendice parcouru de toutes parts par ces fils lumineux grésillant et électriques. A peine le contact fut fait, que la boule disparut dans un bruit de détonation, et tous les systèmes de l'Enterprise redémarrèrent, lentement, hésitamment, après avoir crépité et tremblé quelques instants, et cela rappela à Jim la fois où il avait piraté le programme du test du Kobayashi Maru. Dans le lointain, on entendit le grondement grave et sourd des nacelles, des moteurs, les très légers sifflements des systèmes environnementaux, et– Une embardée encore, une secousse, plus sévère que la première, et tout le monde se retrouva cloué au sol, hagard, nauséeux et faible. Il fallut plusieurs minutes avant que chacun ne se redresse, lentement, prudemment, retrouve sa chaise et ses marques, et vérifie que rien n'avait causé de dégât. Jim avait l'estomac retourné, l'esprit embué et il s'efforçait de ne pas se laisser aller à vomir. Au lieu de cela, il pianota rapidement sur l'accoudoir de son fauteuil et ouvrit une communication pour l'ensemble du vaisseau.

« Ici le Capitaine Kirk. Votre attention s'il vous plait. Nous venons d'être victime d'un sérieux dysfonctionnement mécanique. Tout semble être revenu dans l'ordre, mais soyez attentifs au moindre signe d'anormalité. Avertissez immédiatement vos chefs de service si tel était le cas. Kirk, terminé. »

Jim fit pivoter son fauteuil vers la console scientifique, l'air sérieux et grave, et autour, les autres officiers peinaient à reprendre leurs activités.

« Spock, c'était quoi, ça ? »

Le Vulcain tapait sur le clavier digital à une telle vitesse que ses doigts devenaient flous, puis il s'arrêta subitement, leva le nez vers les écrans, et se tourna vers son capitaine. Son expression était impassible, mais sa voix et son regard trahissait sa fascination pour ce qu'il venait de se passer.

« Si j'en crois mes relevés, cette… chose que nous avons vu est une forme de vie composée d'énergie pure. Il semble qu'elle ait tenté d'éteindre les systèmes de l'Enterprise afin de pouvoir créer une connexion viable vers l'ordinateur de bord.

- Et… elle a disparu, et c'est tout ?

- Elle n'a pas disparu, mais a été détruite. Un ingénieur du département électrique vous l'expliquerait mieux que moi, mais je ne devrais pas me tromper en affirmant que la nature électromagnétique de cette forme de vie a été instantanément brisée par la polarité du courant de l'Enterprise. »

Kirk fronça les sourcils, les lèvres plissées, puis il lâcha un petit soupir.

« Je vois. Le vaisseau a subi des dégâts ?

- Les communications fonctionnent.

- Le senseur principal également », répondit l'autre officier scientifique alors qu'il s'activait sur sa console. « Je vérifie les radars et les sondes.

- Tous les systèmes de propulsion marchent, Monsieur.

- L'armement aussi. »

Jim hocha lentement la tête, pensif et soucieux.

« Bien. La coque ? Les boucliers ?

- Aucun dommage.

- Les systèmes environnementaux– ? Faites passer le message à l'infirmerie : que le Docteur M'Benga distribue des remèdes contre le mal de l'apesanteur.

- Oui, Monsieur.

- Les systèmes sont en état de marche, sur tous les ponts.

- Capitaine. »

C'était Spock. Son ton avait été tranchant, plus dur qu'à l'accoutumée, et cela avait suffi pour que Jim comprenne que quelque chose n'allait pas. Il se tourna dans sa direction et vit dans son regard sombre, dans les deux billes d'obsidiennes qui le fixaient, que ce n'était pas bon.

« Les radars de spatiolocalisation ne répondent plus. Je présume qu'ils ont été affectés par la tentative de l'entité de se connecter à l'Enterprise. Il en va de même pour le système de séparation de la soucoupe. »

Kirk posa les coudes sur ses cuisses et croisa les mains, pensif. La situation n'était pas bonne, mais loin d'être catastrophique. Après tout, le vaisseau fonctionnait, ils étaient en vie et ils avaient de quoi naviguer et se défendre. Malheureusement, la spatiolocalisation était capitale s'ils voulaient savoir dans quelle direction ils allaient et où ils se trouvaient. Certes, il y avait toujours moyen de se repérer grâce aux étoiles et aux constellations, mais c'était fastidieux et peu précis.

« Appelez l'équipe de maintenance pour qu'ils voient si on peut réparer ça, » dit Jim à l'officier en communication assis à côté de Spock, avant de se tourner vers son Premier Officier, puis vers le reste de la passerelle. « Et essayez de trouver où on est. Voler à l'aveuglette serait dangereux, ici. »

Tandis qu'il parlait, l'Enterprise terminait de se stabiliser et de décélérer de sa phase d'inertie. Par l'écran principal, on pouvait voir qu'une planète n'était pas très loin, et qu'une étoile brillait vivement en surplomb. Grya pâlit subitement, épouvanté, et se tourna vers son supérieur, l'air affolé, les doigts tremblants. Sur sa console, ses calculs avaient amenés à des coordonnées.

« C'est Qo'noS, Capitaine. La planète natale des Klingons. »


 Faits parodiques utilisés :
- "Un énigmatique être composé d'énergie pure tente de se connecter à l'ordinateur de l'Enterprise, seulement pour être détruit parce que c'est la mauvaise polarité."
- "Les incidents arrivent lorsque ce n'est pas le quart de Kirk, Spock, McCoy, Sulu, Uhura ou Chekov."
- "L'Enterprise rend visite à un avant-poste éloigné de scientifiques, et se perd désespérément dans le mauvais système solaire."

Voilà pour ce chapitre ! J'espère qu'il vous aura plu :)

 

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