Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Captain Syhta's log
Captain Syhta's log
Publicité
Captain Syhta's log
Archives
26 octobre 2016

Tout ce qui n'arrivera jamais - Chapitre 3 : Le silence éternel des espaces infinis

Chapitre 3 - Le silence éternel des espaces infinis

Ignorant le coup de coude qu'elle avait reçu dans le ventre et le pied botté qui était passé tout près de son visage, Nyota se redressa péniblement. La gravité était revenue. Oh, elle n'était pas restée longtemps inactive, tout juste assez pour mettre à l'envers la moitié du vaisseau !

Dans la serre, la terre s'était répandue au sol, quelques pots s'étaient brisés ; dans les laboratoires, le matériel s'était envolé des paillasses pour aller s'écraser contre les murs, blessant au passage quelques laborantins ; dans les cabines, les effets personnels étaient tombés de leurs étagères, les matelas de leur sommier ; et dans les turbolifts, les membres enfermés s'étaient rudement cognés contre les parois blanches. Certes, beaucoup plus de peur que de mal, mais mal il y avait, et rapidement, l'infirmerie fut comble. M'Benga dû mettre prématurément fin à son entretien avec Sana pour appeler ses infirmières et donner ses indications pour que les blessés soient pris en charge et pour distribuer, comme le capitaine l'avait demandé, des remèdes contre le mal de l'apesanteur, car cette vacherie retournait l'estomac de n'importe qui et mettait les idées à sens dessus-dessous. En salle des machines et dans les hangars heureusement, les dégâts furent mineurs. Les navettes étaient sanglées au sol, le matériel était (à part quelques outils) rangé et l'armement bien scellé dans ses compartiments. L'équipe d'ingénierie se félicita d'ailleurs tacitement de ne pas être très présente à la clinique et elle fut prête à répondre à la demande de Jim lorsqu'il lui demanda de voir comment il était possible de réparer le problème de spatiolocalisation, et c'est Scotty qui sauta sur l'occasion pour s'occuper l'esprit et éviter de vomir partout.

Mais même si Kirk avait demandé de réparer ce problème, tout le monde était bien conscient qu'ils n'auraient pas le temps de l'utiliser s'ils entraient en guerre ouverte avec les Klingons, vous savez, ce peuple tellement sympathique et inoffensif qu'une directive de Starfleet (la Huitième, précisément) indiquait que tout équipage surpris dans le territoire de l'Empire se verrait très sévèrement puni. Mais pas de spatiolocalisation signifiait pas de moyen rapide de savoir dans quel sens fuir pour rejoindre la Zone Neutre, et ça craignait un peu.
Ce à quoi Spock proposa calmement, à la grande surprise de tous les officiers de passerelle, et davantage encore à celle de Jim :

« Capitaine, je suggère d'entrer en communication avec le peuple Klingon, qui nous a certainement déjà détecté, afin de les rassurer sur nos intentions et de leurs informer que nous serons disposés à quitter la région dès que notre spatiolocalisateur sera réparé. »

La plupart des hommes et des femmes présents le regardèrent comme s'il avait perdu la tête, car tout de même, c'était bien la première fois qu'un Vulcain proposait une chose aussi–

« C'est la logique même, » continua-t-il en devinant ce qui traversait leurs esprits. « Rester silencieux pourrait leur faire croire que nous avons de mauvaises intentions.

- Mais enfin, » intervint le pilote Grya, « On parle des Klingons, là. Ils sont agressifs et belliqueux. On ne peut pas les raisonner !

- La possibilité qu'ils nous écoutent est de statistiquement six virgule sept pourcents.

- C'est peu, » fit Jim d'un air ironique, avant d'adresser un regard entendu à son second. « Mais ce n'est pas zéro, essayons.

- Mais Capitaine ! Nous n'avons aucune chance de–

- Ça suffit, Lieutenant. »

Jim se retourna vers l'officier en communication :

« Appelez les et affichez sur l'écran principal.

- Oui, Monsieur. »

Le jeune homme s'activa, levant et tirant les manettes et les leviers de la partie supérieure de sa console, puis il plaça la main à son oreille pour arranger son communicateur. Il écouta, pendant quelques instants, puis il se redressa et fit un signe de tête à son supérieur, qui se retourna vers l'écran. Sur celui-ci apparut le visage plissé et sombre, le regard perçant et le grand front d'un Klingon vêtu d'une lourde toge chinée. Le fait que la communication ait été acceptée étonna particulièrement Grya, sinon les autres, mais Jim ne s'en formalisa pas et il prit une attitude digne sur son fauteuil de commandement.

« Bonjour, » salua-t-il simplement.

Le Klingon baissa le visage en biais, et il fut difficile de savoir si c'était un hochement de tête ou s'il voulait prendre un air menaçant. Il ne répondit néanmoins pas, ce qui força Jim à reprendre :

« Je suis le Capitaine James T. Kirk. Au nom de la Fédération des Planètes Unies et de l'équipage de l'USS Enterprise, je vous prie de bien vouloir nous excuser pour avoir pénétré votre territoire sans autorisation. Nous avons été victime d'un sérieux dysfonctionnement qui nous a privés de spatiolocalisateur et nous nous sommes, en quelque sorte, perdus loin de notre destination prévue. »

L'homme à l'écran tourna la tête vers une personne hors champ et parla avec elle dans sa langue natale. Jim pensa alors qu'il aurait préféré avoir Uhura avec lui, ce qui lui aurait permis de comprendre ce qui se disait, surtout que l'air très peu avenant de son interlocuteur commençait à étouffer le peu d'espoir auquel il se raccrochait. Il reprendre la parole quand un grésillement se fit entendre, puis un bruit étrange qui rappelait celui de la friction d'un micro contre un tissu, et la passerelle se remplit de divers bruits de vie comme des bips d'ordinateurs ou le léger murmure d'une conversation éloignée. Le Klingon se rapprocha alors de quelques pas de l'objectif et adressa à Jim une expression qui semblait être un sourire.

« Je vous entends, maintenant ! » dit-il en langue commune avec un fort accent rustre et guttural. « Vous utilisez des fréquences vraiment bizarres, pas facile pour se comprendre. Répétez ce que vous avez dit. »

Un peu décontenancé, Jim s'exécuta, ce qui provoqua l'élargissement du semblant de sourire du Klingon.

« Moi, c'est Qa'nTok, adjoint au préfet de Qo'noS Unie. Votre problème, c'est à cause de quoi ? »

Sur la défensive, Jim pianota sur l'accoudoir de son fauteuil afin de joindre Scotty, qui était en train d'analyser la panne. Après une courte conversation, il apprit que le générateur auxiliaire était indisponible, et que pour le réparer, ils avaient besoin d'un certain type de bobine pour remplacer celle d'un condensateur précis. Malheureusement, l'ingénieur lui avoua que l'Enterprise avait récupéré à sa construction de vieilles pièces d'un vaisseau qui partait à la casse, et que de ce fait, cette bobine n'était plus fabriquée par la Fédération depuis plus d'un siècle.
Jim s'efforça de ne pas blêmir, ni d'éclater nerveusement de rire. Il coupa la communication avec Scotty et s'adressa à Qa'nTok, espérant que sa voix ne flanche pas.

« C'est le générateur auxiliaire. Une sorte de surtension a grillé une bobine, et nous n'en avons pas de rechange.

- Les références, c'est quoi ?

- Euh… Fil de cuivre de quarante-cinq millimètres. C'est pour une bobine TRD-45-K.

- Ah ! On vous en passe une. »

Kirk resta interdit pendant quelques instants. Les sourcils froncés, il échangea un regard interloqué et suspicieux avec deux de ses hommes, puis adapta sa position, carrant légèrement les épaules et levant un peu le menton.

« Vous en avez ?

- On en a trouvé dans des vieilles épaves de vos vaisseaux.

- Ils les ont détruits, ouais, » grogna Grya en se tassant sur sa console.

« Lieutenant, silence, » ordonna sèchement Jim avant de reprendre à l'intention du Klingon : « Je m'excuse, mais vous ne nous avez pas habitués à de la générosité. Quelle garantie ai-je que vous n'essayez pas de nous arnaquer ?

- Si je voulais détruire votre vaisseau, Capitaine, je pourrais m'y prendre autrement, et ce serait bien plus simple. »

Qa'nTok afficha un air étrangement amical et dénué de la moindre antipathie.

« On le fera pas. Téléportez-vous aux coordonnées que je vous envoie, on vous donnera cette bobine. »

Il coupa l'appel, et l'écran principal afficha à nouveau Qo'noS et ses paysages rocheux. Jim se tourna vers Spock dans l'intention de lui demander conseil, et ce qu'il vit dans son regard le dérangea.

« Vous pensez qu'on peut leur faire confiance, » comprit-il.

« Oui. Qa'nTok ne m'a pas semblé mentir ou avoir de mauvaises intentions à notre égard. De plus, c'est notre seule possibilité pour réparer le générateur auxiliaire qui, je me permets de le rappeler, nous met à l'abri de nombreuses défaillances lors d'un combat naval.

- Ouais… Dans ce cas, il me faut une équipe. Spock, vous viendrez avec moi. Monsieur Grya, faites venir Monsieur Sulu pour qu'il prenne les commandes.

- A vos ordres.

- Vous ». Il se tourna vers l'officier en communication. « Appelez l'infirmerie, il me faut un rapport sur l'état de l'équipage, et faites passer le message que le Commandeur Sana se téléporte avec nous. Ses compétences en diplomatie nous serons utiles. Ensuite, appelez Monsieur Giotto de la sécurité pour qu'il désigne deux hommes qui nous accompagnerons. On se retrouve tous dans un quart d'heure en salle de réunion 3.

- Oui, Capitaine. »

Jim hocha la tête, satisfait, puis il se leva et fit signe à Spock de le suivre. Ainsi, ils quittèrent la passerelle pour rejoindre en avance le point de rendez-vous.

oOo

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. »
McCoy était assis au bord de son lit, un padd dans les mains, en tenue décontractée. Il avait la mine sombre, un air mélancolique et soucieux qui ne lui était pas coutumier, et il fixait cette unique ligne de texte qui brillait sur l'écran de la tablette. De la même façon que Jim sortait parfois de vieux proverbes arabes, il se mettait à invoquer Pascal et ses célèbres pensées.

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. »
C'était exactement ça. C'était tout. C'était cette simple, absolue, entière raison, cette peur irrationnelle, ce sentiment angoissant et oppressant, qui lui donnait l'impression de se liquéfier, de sentir son cœur éclater, sa respiration se bloquer, et le geler. C'était ce qui pesait sur ses épaules, ce qui l'étreignait si puissamment, si douloureusement. C'était ce qui faisait bourdonner ses oreilles, marteler son esprit, le submerger tout entier de vagues glaciales et qui le faisait trembler et blêmir.
Oui, c'était ça. « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. » Cette peur profonde, instinctive, complètement angoissée, figée, étranglée ; cette terreur irraisonnée de l'espace et de son éternel, macabre et mortel silence. Du froid. Du vide. Du noir, partout. De cette sensation de n'appartenir à rien. De n'être rien et de n'être nulle part. De tomber, tomber, tomber encore, et de ne pas avoir de point de chute. D'être perdu, seul, complètement et si inutilement minuscule, dans cet univers immense et massif, si froid et si silencieux.

Leonard prit une profonde inspiration, lentement, puis expira, et son souffle fut saccadé, comme si son émotion le retenait. Il refit l'exercice une seconde fois en fermant durement les yeux, les doigts serrés sur le bord du padd, puis il les rouvrit et activa l'enregistrement, et lorsqu'il parla, sa voix était serrée et rauque :

« Journal personnel de Leonard McCoy. Date stellaire : 2262.57. »

Le médecin se tut. Son visage était contracté, strié de nombreuses ridules qui n'étaient pas visibles au quotidien ; il était marqué par les années, les missions, les blessures et la peur. La peur d'être là. Mais dans une volonté de ne pas se laisser abattre, comme aucun autre jour, il posa le padd sur l'oreiller et s'assit en tailleur face à lui ; voûté, la tête posée dans sa paume, le coude planté dans la cuisse.

« Euhm... »

Il s'éclaircit la voix et se passa une main dans les cheveux, mal à l'aise. Il n'aimait pas parler à l'enregistreur, ça n'avait pas la chaleur et la spontanéité du vivant. Mais il reprit, avec un peu plus de confiance.

« Aujourd'hui, je crois que ça fait trois ans, sept mois et une pelleté de semaines que je n'ai pas foulé un sol terrestre. Plus de trois ans et demi dans l'espace, sans interruption. Et je– euh. Je... »

Il fit une pause, pinçant les lèvres, les yeux fermés, puis il lâcha la suite dans un souffle, comme s'il en avait honte.

« J'ai toujours peur.
» Vivre dans l'espace ne change rien, visiblement. Je ne m'habitue pas. Je continue d'éviter de regarder dehors, ou alors de ne pas penser à ce que je vois. Et de ne pas me dire où je suis, sinon... Sinon– »

Son souffle se bloqua dans sa gorge. Il se recroquevilla, comme écrasé par un poids invisible et, les poings serrés, essaya, s'efforça, de réguler sa respiration. Il ne fallait pas qu'il pense à ce qu'il y avait dehors, à cette incommensurable dimension, ce vide infini qui l'entourait. Parce que ça risquait de le submerger et de le briser, et il ne voulait pas que ça arrive.

Pour Jim. Pour Spock. Pour Uhura, Sulu et Chekov. Pour l'équipage. Et pour lui-même.

Leonard se redressa subitement et se pencha en arrière en s'appuyant sur ses bras, respirant par à-coups douloureux et étranglés. Une larme se décrocha de ses cils et s'écrasa sur sa joue ; il plaqua sa paume sur son œil en grimaçant.

« Bon sang... C'est vraiment pas une vie. Je peux opérer n'importe qui, même des Klingons, mais vivre ici pendant encore un an et demi... Un an et demi ! Je suis certain que personne ne sait ce que ça fait de se sentir aussi... mal, tout le temps. Je sais que je ne suis pas seul, Jim est là, même si c'est un sale gosse et qu'il n'en fait qu'à sa tête, mais il y a Spock aussi et tous les autres et– et malgré ça, je me sens tellement isolé, tellement seul et vulnérable, que je pourrais en mourir.
» Mais je ne veux apitoyer personne. Finalement, je préfère que personne ne sache. C'est presque plus facile pour moi de faire comme si je ne ressentais pas ça. Alors oui, « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie », mais il y a des personnes à mes côtés pour qui je peux faire l'effort de croire que ces espaces ne sont pas si silencieux ni si infinis que ça. Ça ne changera rien, bien sûr. J'aurai toujours... toujours peur (il avait dit ces derniers mots à voix basse, avec embarras et honte, puis il reprit normalement), je ne crois pas à un traitement miracle, mais ce qui s'en rapproche le plus sont ceux qui me sont chers, et ils sont ici, avec moi. »

Leonard se mordit la lèvre et poussa un profond soupir. Il baissa les yeux sur l'enregistreur, dont le voyant clignotait doucement, comme pour lui dire qu'il l'écoutait toujours. Sa voix se fit plus assurée quand il reprit, et un peu moqueuse :

« C'était affreusement sentimental, ce que je viens de dire, mais j'y crois. Ça ne me guérira pas. Rien ne le fera, mais je pense que je peux aller... mieux. »

Il laissa flotter ces derniers mots dans sa cabine, sembla essayer de s'en imprégner, de se les approprier, de vouloir y croire. Il regarda le plafond gris métallique pendant quelques instants, calmement, et son visage était presque paisible et débarrassé de la moindre tension, de la moindre peur, et du poids des années. Puis il abaissa lentement les paupières et se redressa.

« Journal personnel de Leonard McCoy, terminé. »

oOo

C'était cette porte-là, si elle ne se trompait pas.

Uhura regarda autour d'elle, en recherche d'indices, mais à part la plaque de fer gravée d'un impersonnel « E-24 », rien ne la certifiait qu'elle était au bon endroit. Elle hésita quelques instants en fixant le boîtier de commandes, puis elle haussa les épaules avec désinvolture et appuya sur un bouton, se disant qu'elle pourrait toujours s'excuser si elle s'était trompée. De l'autre côté de la porte, Nyota entendit distinctement le léger bip qui indiquait sa présence puis, d'une façon plus confuse, une voix grave, et des bruits de pas qui se rapprochaient. La jeune femme retint sa respiration, soudainement en proie à une vague de stress qu'elle s'efforça de contrôler. La porte s'ouvrit dans un chuintement discret. Nyota se figea et leva les yeux vers lui.

« Uhura ? »

McCoy fronçait les sourcils. Il recevait rarement de la visite en dehors de Jim. Nyota le savait, aussi elle ne tarda pas à répondre :

« Excusez-moi si je dérange, j'aimerais vous parler. En fait, c'est Christine qui m'envoie.

- Christine Chapel ? » fit le médecin avec incrédulité avant de s'écarter et de laisser entrer sa visiteuse.

La cabine d'officier de Leonard ressemblait à toutes les autres. Une aire de travail, avec un bureau et ses chaises, un ordinateur, et des étagères remplies de padd et d'ouvrages sur la médecine ; puis, derrière un paravent ajouré, l'espace de repos. Le lit était récemment fait, une tablette traînait encore sur l'oreiller, et des objets décoratifs terriens étaient accrochés au mur, notamment une photographie, mais Nyota ne put voir en détail de qui il s'agissait. Elle entra et se tourna vers le médecin qui lui indiqua de prendre place dans l'un des fauteuils.

« Oui. Euh, c'est pour un problème plutôt personnel, j'ai besoin de conseils. »

Leonard s'appuya contre le mur jouxtant la salle de bain et l'étudia du regard, les bras croisés, tandis que la jeune femme s'asseyait en face de lui. Il la regarda longuement, avec sérieux et gravité, et ses yeux verts semblaient la disséquer et voir à travers elle. Elle frissonna, mal à l'aise, avant de passer les mains sur ses bras en ajustant sa position.

« C'est Spock ? » demanda finalement McCoy.

Nyota hocha la tête. Leonard poussa un soupir et leva les yeux au ciel.

« Je suis médecin, pas conseiller matrimonial.

- Je sais bien, mais Christine a dit que vous pourriez m'aid– »

Nyota fut soudainement coupée par une sonnerie, quelques bips réguliers qui émanaient de l'ordinateur. McCoy fit un signe d'excuse à la jeune femme avant de s'approcher du bureau pour activer la communication. Un visage avenant mais au regard sévère apparut sur l'écran et sa voix emplit la cabine.

« J'ai bien reçu votre entrée d'aujourd'hui, Lieutenant-Commandeur. Je suis vraiment content que vous vous soyez lancé, c'est un premier pas très positif. Mais sachez que je regrette que votre condition ne s'améliore pas avec le temps, vraiment–

- Docteur–

- –mais je suis confiant pour la suite. Encore un an et demi ? Vous avez déjà surmonté plus de la moitié de ce voyage. Vous êtes sur la bonne voie, et je suis certain que ce « traitement du mal par le mal » aura des effets très bénéfiques. Je–

- Docteur ! » McCoy parvint à arrêter le débit de parole incessant commun à cet homme et à attirer son attention. Il lança un bref regard à Uhura. « J'apprécie que vous preniez la peine de m'appeler mais... je ne suis pas seul, là. »

Le visage de son interlocuteur s'illumina et une expression navrée tordit son sourire.

« Je m'excuse. L'habitude... Appelez-moi lorsque vous serez tranquille.

- Oui. Merci, Docteur. »

Leonard coupa la communication, poussa un soupir silencieux et se redressa pour aller reprendre sa place contre le mur. Sur lui, le regard de Nyota se fit inquisiteur et curieux. Elle regarda attentivement son air professionnel forcé et détecta quelque chose comme de la morosité et de l'embarras derrière, tout au fond de ses yeux verts.

« Désolé pour ce contretemps. On parlait de Spock, je crois, » reprit-il d'un ton détaché.

Nyota fronça légèrement les sourcils, son regard passant du visage du médecin à l'ordinateur, avant de revenir à Leonard.

« Ce n'était pas important, cet appel ? » demanda-t-elle avec un air suspicieux. « Vous voulez que je parte ?

- Oh, ce n'est pas nécessaire, on s'appelle toutes les semaines– Euh, non... »

McCoy se mordit la lèvre et détourna la tête, comme s'il se maudissait d'avoir laissé filtrer une information sur la nature des échanges qu'il avait avec l'homme qui l'avait appelé. La jeune femme continua de l'observer, attentive à sa gestuelle, à ses expressions. Puis, les indices se dévoilèrent d'eux-mêmes, sous un nouveau jour. Le suivi médical hebdomadaire : un psychologue, pensa-t-elle. Les boutades qui n'en étaient pas, maugrées à la volée mais sincères : une manière subconsciente de partager un fardeau. Sa position, toujours sur la défensive ; son regard, fuyant les hublots et les baies d'observation.

Tout s'éclaira soudain. Elle plaqua ses mains sur sa bouche, les yeux écarquillés, horrifiée.

« Mon dieu, vous... »

Leonard tourna la tête dans sa direction, une lueur craintive dans le regard. Nyota était bouche bée et figée, ses longs doigts cachant mal ses lèvres tremblantes.

« Vous... vous êtes...

- Bah, c'est rien, » fit-il en balayant les mots de la main dans une volonté de minimiser l'effet dramatique qu'avait eu la révélation sur sa camarade. « Je m'en sors très bien.

- Je ne peux pas imaginer ce que ça doit faire de vous savoir ici, et avec l'espace–

- Okay, alors on va arrêter de parler de ça, tout de suite, » la coupa McCoy avec ton vif et tranchant, empreint de colère, de peur et de gêne.

« Pardon. »

Nyota le regarda avec compassion, longuement, et avec quelque chose comme de l'affection, et pendant un instant, elle fut tentée de se lever pour aller le réconforter. Mais ils n'étaient pas très proches, tous les deux, ce n'était pas comme avec Kirk, alors elle se ravisa et se contenta de lui apporter un soutien silencieux.

« Est-ce que quelqu'un est au courant dans l'équipage ?

- Jim, peut-être. Mais je crois qu'il a oublié ou qu'il a arrêté de faire attention depuis longtemps.

- Et c'est tout ?

- Vous, maintenant. »

C'était dit avec un peu de tristesse. Nyota sentit son cœur se serrer. Ce n'était pas de la peine d'avoir été forcé de partager ce qui le pesait, mais de savoir qu'il n'y avait personne d'autre à qui le faire. La jeune femme ne sut pas quoi dire en réponse, profondément désolée, et le silence s'installa. Il s'étira, lourd et épais, et cela dû mettre McCoy mal à l'aise, car il frappa dans ses mains pour le chasser.

« Bon ! Vous étiez venue pour me parler de Spock. »

Uhura leva un regard incrédule vers le médecin.

« Comment vous– On parle de quelque chose de bien plus important, là.

- Ne vous en faites pas pour moi, je gère très bien tout seul. Je m'y suis habitué.

- Mais vous avez une pathologie sérieuse. Vous êtes–

- Ne le dites pas, » la coupa sèchement le médecin en lui adressa un regard noir.

« Ecoutez-moi. Vous êtes–

- Arrêtez ça, tout de suite !

- Non, je dois le dire. Vous êtes aviophobe, et vous travaillez dans l'espace. Quelle sorte de masochiste psychopathe êtes-vous pour pouvoir supporter ça ? »

Il y eut un bref instant de silence, où l'expression de Leonard se changeait en quelque chose de douloureux et de torturé, où son regard, semblant avoir pris la couleur de l'acier, se chargeait de colère et de peur ; puis, le souffle rendu court par les émotions, il répondit entre ses dents d'une voix dure qui ne lui ressemblait pas :

« Sortez, Lieutenant. Immédiatement. »

Nyota se retint de pousser un soupir contrarié, puis elle se leva du fauteuil et se dirigea vers la porte. Elle allait activer la commande d'ouverture, quand elle se retourna une dernière fois vers le médecin. Leonard était immobile, le regard fixe, le dos voûté, carrant les épaules, baissant la tête, le souffle saccadé et les poings serrés. Il semblait lutter. Contre une force invisible. Et perdre.

Un instant, la jeune femme fut tentée de s'excuser de l'avoir autant affecté, mais elle avait ressenti le besoin de mettre en lumière la vérité, peut-être même une vérité dont Leonard n'était pas conscient, que peut-être, s'il acceptait de vivre dans de telles conditions, c'était parce qu'il avait besoin de ressentir cette peur. La raison était néanmoins encore inconnue.

Soudain, le silence fut brisé une seconde fois, par une autre sonnerie, qui venait de la console murale. Nyota, la plus proche d'elle, s'avança et activa la communication.

« Lieutenant Uhura ? C'est Kirk.

- Oui, Capitaine.

- Je sais que vous n'êtes pas de quart, mais on se téléporte à la surface de la planète, j'ai besoin de vos compétences. Nous partons dans une demi-heure par la salle de téléportation 2.

- J'y serai.

- Merci. Kirk, terminé. »

L'ingénieure en communication pivota vers McCoy, dont la mâchoire était serrée et le visage contracté. Il leva la tête vers elle, réprimant une colère visible à la veine qui battait sur sa tempe.

« J'y vais, » annonça-t-elle. « Prenez le temps de réfléchir à ce que j'ai dit. Ça peut peut-être vous aider.

- Sortez, » gronda-t-il.

Nyota obéit sans ajouter un mot de plus, et la porte se referma sur elle, plongeant la cabine du médecin dans le silence.


Fait parodique utilisé : "Une surtension sur la passerelle est rapidement et correctement diagnostiquée comme étant causée par un condensateur défectueux par le hautement entraîné et compétent personnel d'ingénierie. La pièce de rechange n'est cependant plus disponible depuis 200 ans."

Et voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Je précise ici (car ça aurait fait tache dans le texte), que Jim sait où se trouve Uhura car l'ordinateur l'a localisée comme étant dans les quartiers de Bones :)

J'ai énormément aimé écrire le passage de McCoy qui enregistre son journal personnel. Je sais que c'est un peu mélancolique comme scène, et que l'histoire n'a pas beaucoup avancé dans ce chapitre, mais je voulais vraiment traiter de son aviophobie à un moment, et c'était l'occasion.
Qu'en avez-vous pensé ?

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité