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Captain Syhta's log

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20 octobre 2016

Prise de fonctions

Prise de fonctions
Journal de bord du capitaine, date stellaire : 161020. Bonjour à tous, ici le Capitaine Azusa Syhta. Je suis honorée de pouvoir, en ce jour faste, prendre mes fonctions aux commandes de l’USS Nagano. Ce vaisseau, comme vous le savez tous, nous a été attribué...
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26 octobre 2016

Tout ce qui n'arrivera jamais - Chapitre 3 : Le silence éternel des espaces infinis

Chapitre 3 - Le silence éternel des espaces infinis

Ignorant le coup de coude qu'elle avait reçu dans le ventre et le pied botté qui était passé tout près de son visage, Nyota se redressa péniblement. La gravité était revenue. Oh, elle n'était pas restée longtemps inactive, tout juste assez pour mettre à l'envers la moitié du vaisseau !

Dans la serre, la terre s'était répandue au sol, quelques pots s'étaient brisés ; dans les laboratoires, le matériel s'était envolé des paillasses pour aller s'écraser contre les murs, blessant au passage quelques laborantins ; dans les cabines, les effets personnels étaient tombés de leurs étagères, les matelas de leur sommier ; et dans les turbolifts, les membres enfermés s'étaient rudement cognés contre les parois blanches. Certes, beaucoup plus de peur que de mal, mais mal il y avait, et rapidement, l'infirmerie fut comble. M'Benga dû mettre prématurément fin à son entretien avec Sana pour appeler ses infirmières et donner ses indications pour que les blessés soient pris en charge et pour distribuer, comme le capitaine l'avait demandé, des remèdes contre le mal de l'apesanteur, car cette vacherie retournait l'estomac de n'importe qui et mettait les idées à sens dessus-dessous. En salle des machines et dans les hangars heureusement, les dégâts furent mineurs. Les navettes étaient sanglées au sol, le matériel était (à part quelques outils) rangé et l'armement bien scellé dans ses compartiments. L'équipe d'ingénierie se félicita d'ailleurs tacitement de ne pas être très présente à la clinique et elle fut prête à répondre à la demande de Jim lorsqu'il lui demanda de voir comment il était possible de réparer le problème de spatiolocalisation, et c'est Scotty qui sauta sur l'occasion pour s'occuper l'esprit et éviter de vomir partout.

Mais même si Kirk avait demandé de réparer ce problème, tout le monde était bien conscient qu'ils n'auraient pas le temps de l'utiliser s'ils entraient en guerre ouverte avec les Klingons, vous savez, ce peuple tellement sympathique et inoffensif qu'une directive de Starfleet (la Huitième, précisément) indiquait que tout équipage surpris dans le territoire de l'Empire se verrait très sévèrement puni. Mais pas de spatiolocalisation signifiait pas de moyen rapide de savoir dans quel sens fuir pour rejoindre la Zone Neutre, et ça craignait un peu.
Ce à quoi Spock proposa calmement, à la grande surprise de tous les officiers de passerelle, et davantage encore à celle de Jim :

« Capitaine, je suggère d'entrer en communication avec le peuple Klingon, qui nous a certainement déjà détecté, afin de les rassurer sur nos intentions et de leurs informer que nous serons disposés à quitter la région dès que notre spatiolocalisateur sera réparé. »

La plupart des hommes et des femmes présents le regardèrent comme s'il avait perdu la tête, car tout de même, c'était bien la première fois qu'un Vulcain proposait une chose aussi–

« C'est la logique même, » continua-t-il en devinant ce qui traversait leurs esprits. « Rester silencieux pourrait leur faire croire que nous avons de mauvaises intentions.

- Mais enfin, » intervint le pilote Grya, « On parle des Klingons, là. Ils sont agressifs et belliqueux. On ne peut pas les raisonner !

- La possibilité qu'ils nous écoutent est de statistiquement six virgule sept pourcents.

- C'est peu, » fit Jim d'un air ironique, avant d'adresser un regard entendu à son second. « Mais ce n'est pas zéro, essayons.

- Mais Capitaine ! Nous n'avons aucune chance de–

- Ça suffit, Lieutenant. »

Jim se retourna vers l'officier en communication :

« Appelez les et affichez sur l'écran principal.

- Oui, Monsieur. »

Le jeune homme s'activa, levant et tirant les manettes et les leviers de la partie supérieure de sa console, puis il plaça la main à son oreille pour arranger son communicateur. Il écouta, pendant quelques instants, puis il se redressa et fit un signe de tête à son supérieur, qui se retourna vers l'écran. Sur celui-ci apparut le visage plissé et sombre, le regard perçant et le grand front d'un Klingon vêtu d'une lourde toge chinée. Le fait que la communication ait été acceptée étonna particulièrement Grya, sinon les autres, mais Jim ne s'en formalisa pas et il prit une attitude digne sur son fauteuil de commandement.

« Bonjour, » salua-t-il simplement.

Le Klingon baissa le visage en biais, et il fut difficile de savoir si c'était un hochement de tête ou s'il voulait prendre un air menaçant. Il ne répondit néanmoins pas, ce qui força Jim à reprendre :

« Je suis le Capitaine James T. Kirk. Au nom de la Fédération des Planètes Unies et de l'équipage de l'USS Enterprise, je vous prie de bien vouloir nous excuser pour avoir pénétré votre territoire sans autorisation. Nous avons été victime d'un sérieux dysfonctionnement qui nous a privés de spatiolocalisateur et nous nous sommes, en quelque sorte, perdus loin de notre destination prévue. »

L'homme à l'écran tourna la tête vers une personne hors champ et parla avec elle dans sa langue natale. Jim pensa alors qu'il aurait préféré avoir Uhura avec lui, ce qui lui aurait permis de comprendre ce qui se disait, surtout que l'air très peu avenant de son interlocuteur commençait à étouffer le peu d'espoir auquel il se raccrochait. Il reprendre la parole quand un grésillement se fit entendre, puis un bruit étrange qui rappelait celui de la friction d'un micro contre un tissu, et la passerelle se remplit de divers bruits de vie comme des bips d'ordinateurs ou le léger murmure d'une conversation éloignée. Le Klingon se rapprocha alors de quelques pas de l'objectif et adressa à Jim une expression qui semblait être un sourire.

« Je vous entends, maintenant ! » dit-il en langue commune avec un fort accent rustre et guttural. « Vous utilisez des fréquences vraiment bizarres, pas facile pour se comprendre. Répétez ce que vous avez dit. »

Un peu décontenancé, Jim s'exécuta, ce qui provoqua l'élargissement du semblant de sourire du Klingon.

« Moi, c'est Qa'nTok, adjoint au préfet de Qo'noS Unie. Votre problème, c'est à cause de quoi ? »

Sur la défensive, Jim pianota sur l'accoudoir de son fauteuil afin de joindre Scotty, qui était en train d'analyser la panne. Après une courte conversation, il apprit que le générateur auxiliaire était indisponible, et que pour le réparer, ils avaient besoin d'un certain type de bobine pour remplacer celle d'un condensateur précis. Malheureusement, l'ingénieur lui avoua que l'Enterprise avait récupéré à sa construction de vieilles pièces d'un vaisseau qui partait à la casse, et que de ce fait, cette bobine n'était plus fabriquée par la Fédération depuis plus d'un siècle.
Jim s'efforça de ne pas blêmir, ni d'éclater nerveusement de rire. Il coupa la communication avec Scotty et s'adressa à Qa'nTok, espérant que sa voix ne flanche pas.

« C'est le générateur auxiliaire. Une sorte de surtension a grillé une bobine, et nous n'en avons pas de rechange.

- Les références, c'est quoi ?

- Euh… Fil de cuivre de quarante-cinq millimètres. C'est pour une bobine TRD-45-K.

- Ah ! On vous en passe une. »

Kirk resta interdit pendant quelques instants. Les sourcils froncés, il échangea un regard interloqué et suspicieux avec deux de ses hommes, puis adapta sa position, carrant légèrement les épaules et levant un peu le menton.

« Vous en avez ?

- On en a trouvé dans des vieilles épaves de vos vaisseaux.

- Ils les ont détruits, ouais, » grogna Grya en se tassant sur sa console.

« Lieutenant, silence, » ordonna sèchement Jim avant de reprendre à l'intention du Klingon : « Je m'excuse, mais vous ne nous avez pas habitués à de la générosité. Quelle garantie ai-je que vous n'essayez pas de nous arnaquer ?

- Si je voulais détruire votre vaisseau, Capitaine, je pourrais m'y prendre autrement, et ce serait bien plus simple. »

Qa'nTok afficha un air étrangement amical et dénué de la moindre antipathie.

« On le fera pas. Téléportez-vous aux coordonnées que je vous envoie, on vous donnera cette bobine. »

Il coupa l'appel, et l'écran principal afficha à nouveau Qo'noS et ses paysages rocheux. Jim se tourna vers Spock dans l'intention de lui demander conseil, et ce qu'il vit dans son regard le dérangea.

« Vous pensez qu'on peut leur faire confiance, » comprit-il.

« Oui. Qa'nTok ne m'a pas semblé mentir ou avoir de mauvaises intentions à notre égard. De plus, c'est notre seule possibilité pour réparer le générateur auxiliaire qui, je me permets de le rappeler, nous met à l'abri de nombreuses défaillances lors d'un combat naval.

- Ouais… Dans ce cas, il me faut une équipe. Spock, vous viendrez avec moi. Monsieur Grya, faites venir Monsieur Sulu pour qu'il prenne les commandes.

- A vos ordres.

- Vous ». Il se tourna vers l'officier en communication. « Appelez l'infirmerie, il me faut un rapport sur l'état de l'équipage, et faites passer le message que le Commandeur Sana se téléporte avec nous. Ses compétences en diplomatie nous serons utiles. Ensuite, appelez Monsieur Giotto de la sécurité pour qu'il désigne deux hommes qui nous accompagnerons. On se retrouve tous dans un quart d'heure en salle de réunion 3.

- Oui, Capitaine. »

Jim hocha la tête, satisfait, puis il se leva et fit signe à Spock de le suivre. Ainsi, ils quittèrent la passerelle pour rejoindre en avance le point de rendez-vous.

oOo

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. »
McCoy était assis au bord de son lit, un padd dans les mains, en tenue décontractée. Il avait la mine sombre, un air mélancolique et soucieux qui ne lui était pas coutumier, et il fixait cette unique ligne de texte qui brillait sur l'écran de la tablette. De la même façon que Jim sortait parfois de vieux proverbes arabes, il se mettait à invoquer Pascal et ses célèbres pensées.

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. »
C'était exactement ça. C'était tout. C'était cette simple, absolue, entière raison, cette peur irrationnelle, ce sentiment angoissant et oppressant, qui lui donnait l'impression de se liquéfier, de sentir son cœur éclater, sa respiration se bloquer, et le geler. C'était ce qui pesait sur ses épaules, ce qui l'étreignait si puissamment, si douloureusement. C'était ce qui faisait bourdonner ses oreilles, marteler son esprit, le submerger tout entier de vagues glaciales et qui le faisait trembler et blêmir.
Oui, c'était ça. « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. » Cette peur profonde, instinctive, complètement angoissée, figée, étranglée ; cette terreur irraisonnée de l'espace et de son éternel, macabre et mortel silence. Du froid. Du vide. Du noir, partout. De cette sensation de n'appartenir à rien. De n'être rien et de n'être nulle part. De tomber, tomber, tomber encore, et de ne pas avoir de point de chute. D'être perdu, seul, complètement et si inutilement minuscule, dans cet univers immense et massif, si froid et si silencieux.

Leonard prit une profonde inspiration, lentement, puis expira, et son souffle fut saccadé, comme si son émotion le retenait. Il refit l'exercice une seconde fois en fermant durement les yeux, les doigts serrés sur le bord du padd, puis il les rouvrit et activa l'enregistrement, et lorsqu'il parla, sa voix était serrée et rauque :

« Journal personnel de Leonard McCoy. Date stellaire : 2262.57. »

Le médecin se tut. Son visage était contracté, strié de nombreuses ridules qui n'étaient pas visibles au quotidien ; il était marqué par les années, les missions, les blessures et la peur. La peur d'être là. Mais dans une volonté de ne pas se laisser abattre, comme aucun autre jour, il posa le padd sur l'oreiller et s'assit en tailleur face à lui ; voûté, la tête posée dans sa paume, le coude planté dans la cuisse.

« Euhm... »

Il s'éclaircit la voix et se passa une main dans les cheveux, mal à l'aise. Il n'aimait pas parler à l'enregistreur, ça n'avait pas la chaleur et la spontanéité du vivant. Mais il reprit, avec un peu plus de confiance.

« Aujourd'hui, je crois que ça fait trois ans, sept mois et une pelleté de semaines que je n'ai pas foulé un sol terrestre. Plus de trois ans et demi dans l'espace, sans interruption. Et je– euh. Je... »

Il fit une pause, pinçant les lèvres, les yeux fermés, puis il lâcha la suite dans un souffle, comme s'il en avait honte.

« J'ai toujours peur.
» Vivre dans l'espace ne change rien, visiblement. Je ne m'habitue pas. Je continue d'éviter de regarder dehors, ou alors de ne pas penser à ce que je vois. Et de ne pas me dire où je suis, sinon... Sinon– »

Son souffle se bloqua dans sa gorge. Il se recroquevilla, comme écrasé par un poids invisible et, les poings serrés, essaya, s'efforça, de réguler sa respiration. Il ne fallait pas qu'il pense à ce qu'il y avait dehors, à cette incommensurable dimension, ce vide infini qui l'entourait. Parce que ça risquait de le submerger et de le briser, et il ne voulait pas que ça arrive.

Pour Jim. Pour Spock. Pour Uhura, Sulu et Chekov. Pour l'équipage. Et pour lui-même.

Leonard se redressa subitement et se pencha en arrière en s'appuyant sur ses bras, respirant par à-coups douloureux et étranglés. Une larme se décrocha de ses cils et s'écrasa sur sa joue ; il plaqua sa paume sur son œil en grimaçant.

« Bon sang... C'est vraiment pas une vie. Je peux opérer n'importe qui, même des Klingons, mais vivre ici pendant encore un an et demi... Un an et demi ! Je suis certain que personne ne sait ce que ça fait de se sentir aussi... mal, tout le temps. Je sais que je ne suis pas seul, Jim est là, même si c'est un sale gosse et qu'il n'en fait qu'à sa tête, mais il y a Spock aussi et tous les autres et– et malgré ça, je me sens tellement isolé, tellement seul et vulnérable, que je pourrais en mourir.
» Mais je ne veux apitoyer personne. Finalement, je préfère que personne ne sache. C'est presque plus facile pour moi de faire comme si je ne ressentais pas ça. Alors oui, « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie », mais il y a des personnes à mes côtés pour qui je peux faire l'effort de croire que ces espaces ne sont pas si silencieux ni si infinis que ça. Ça ne changera rien, bien sûr. J'aurai toujours... toujours peur (il avait dit ces derniers mots à voix basse, avec embarras et honte, puis il reprit normalement), je ne crois pas à un traitement miracle, mais ce qui s'en rapproche le plus sont ceux qui me sont chers, et ils sont ici, avec moi. »

Leonard se mordit la lèvre et poussa un profond soupir. Il baissa les yeux sur l'enregistreur, dont le voyant clignotait doucement, comme pour lui dire qu'il l'écoutait toujours. Sa voix se fit plus assurée quand il reprit, et un peu moqueuse :

« C'était affreusement sentimental, ce que je viens de dire, mais j'y crois. Ça ne me guérira pas. Rien ne le fera, mais je pense que je peux aller... mieux. »

Il laissa flotter ces derniers mots dans sa cabine, sembla essayer de s'en imprégner, de se les approprier, de vouloir y croire. Il regarda le plafond gris métallique pendant quelques instants, calmement, et son visage était presque paisible et débarrassé de la moindre tension, de la moindre peur, et du poids des années. Puis il abaissa lentement les paupières et se redressa.

« Journal personnel de Leonard McCoy, terminé. »

oOo

C'était cette porte-là, si elle ne se trompait pas.

Uhura regarda autour d'elle, en recherche d'indices, mais à part la plaque de fer gravée d'un impersonnel « E-24 », rien ne la certifiait qu'elle était au bon endroit. Elle hésita quelques instants en fixant le boîtier de commandes, puis elle haussa les épaules avec désinvolture et appuya sur un bouton, se disant qu'elle pourrait toujours s'excuser si elle s'était trompée. De l'autre côté de la porte, Nyota entendit distinctement le léger bip qui indiquait sa présence puis, d'une façon plus confuse, une voix grave, et des bruits de pas qui se rapprochaient. La jeune femme retint sa respiration, soudainement en proie à une vague de stress qu'elle s'efforça de contrôler. La porte s'ouvrit dans un chuintement discret. Nyota se figea et leva les yeux vers lui.

« Uhura ? »

McCoy fronçait les sourcils. Il recevait rarement de la visite en dehors de Jim. Nyota le savait, aussi elle ne tarda pas à répondre :

« Excusez-moi si je dérange, j'aimerais vous parler. En fait, c'est Christine qui m'envoie.

- Christine Chapel ? » fit le médecin avec incrédulité avant de s'écarter et de laisser entrer sa visiteuse.

La cabine d'officier de Leonard ressemblait à toutes les autres. Une aire de travail, avec un bureau et ses chaises, un ordinateur, et des étagères remplies de padd et d'ouvrages sur la médecine ; puis, derrière un paravent ajouré, l'espace de repos. Le lit était récemment fait, une tablette traînait encore sur l'oreiller, et des objets décoratifs terriens étaient accrochés au mur, notamment une photographie, mais Nyota ne put voir en détail de qui il s'agissait. Elle entra et se tourna vers le médecin qui lui indiqua de prendre place dans l'un des fauteuils.

« Oui. Euh, c'est pour un problème plutôt personnel, j'ai besoin de conseils. »

Leonard s'appuya contre le mur jouxtant la salle de bain et l'étudia du regard, les bras croisés, tandis que la jeune femme s'asseyait en face de lui. Il la regarda longuement, avec sérieux et gravité, et ses yeux verts semblaient la disséquer et voir à travers elle. Elle frissonna, mal à l'aise, avant de passer les mains sur ses bras en ajustant sa position.

« C'est Spock ? » demanda finalement McCoy.

Nyota hocha la tête. Leonard poussa un soupir et leva les yeux au ciel.

« Je suis médecin, pas conseiller matrimonial.

- Je sais bien, mais Christine a dit que vous pourriez m'aid– »

Nyota fut soudainement coupée par une sonnerie, quelques bips réguliers qui émanaient de l'ordinateur. McCoy fit un signe d'excuse à la jeune femme avant de s'approcher du bureau pour activer la communication. Un visage avenant mais au regard sévère apparut sur l'écran et sa voix emplit la cabine.

« J'ai bien reçu votre entrée d'aujourd'hui, Lieutenant-Commandeur. Je suis vraiment content que vous vous soyez lancé, c'est un premier pas très positif. Mais sachez que je regrette que votre condition ne s'améliore pas avec le temps, vraiment–

- Docteur–

- –mais je suis confiant pour la suite. Encore un an et demi ? Vous avez déjà surmonté plus de la moitié de ce voyage. Vous êtes sur la bonne voie, et je suis certain que ce « traitement du mal par le mal » aura des effets très bénéfiques. Je–

- Docteur ! » McCoy parvint à arrêter le débit de parole incessant commun à cet homme et à attirer son attention. Il lança un bref regard à Uhura. « J'apprécie que vous preniez la peine de m'appeler mais... je ne suis pas seul, là. »

Le visage de son interlocuteur s'illumina et une expression navrée tordit son sourire.

« Je m'excuse. L'habitude... Appelez-moi lorsque vous serez tranquille.

- Oui. Merci, Docteur. »

Leonard coupa la communication, poussa un soupir silencieux et se redressa pour aller reprendre sa place contre le mur. Sur lui, le regard de Nyota se fit inquisiteur et curieux. Elle regarda attentivement son air professionnel forcé et détecta quelque chose comme de la morosité et de l'embarras derrière, tout au fond de ses yeux verts.

« Désolé pour ce contretemps. On parlait de Spock, je crois, » reprit-il d'un ton détaché.

Nyota fronça légèrement les sourcils, son regard passant du visage du médecin à l'ordinateur, avant de revenir à Leonard.

« Ce n'était pas important, cet appel ? » demanda-t-elle avec un air suspicieux. « Vous voulez que je parte ?

- Oh, ce n'est pas nécessaire, on s'appelle toutes les semaines– Euh, non... »

McCoy se mordit la lèvre et détourna la tête, comme s'il se maudissait d'avoir laissé filtrer une information sur la nature des échanges qu'il avait avec l'homme qui l'avait appelé. La jeune femme continua de l'observer, attentive à sa gestuelle, à ses expressions. Puis, les indices se dévoilèrent d'eux-mêmes, sous un nouveau jour. Le suivi médical hebdomadaire : un psychologue, pensa-t-elle. Les boutades qui n'en étaient pas, maugrées à la volée mais sincères : une manière subconsciente de partager un fardeau. Sa position, toujours sur la défensive ; son regard, fuyant les hublots et les baies d'observation.

Tout s'éclaira soudain. Elle plaqua ses mains sur sa bouche, les yeux écarquillés, horrifiée.

« Mon dieu, vous... »

Leonard tourna la tête dans sa direction, une lueur craintive dans le regard. Nyota était bouche bée et figée, ses longs doigts cachant mal ses lèvres tremblantes.

« Vous... vous êtes...

- Bah, c'est rien, » fit-il en balayant les mots de la main dans une volonté de minimiser l'effet dramatique qu'avait eu la révélation sur sa camarade. « Je m'en sors très bien.

- Je ne peux pas imaginer ce que ça doit faire de vous savoir ici, et avec l'espace–

- Okay, alors on va arrêter de parler de ça, tout de suite, » la coupa McCoy avec ton vif et tranchant, empreint de colère, de peur et de gêne.

« Pardon. »

Nyota le regarda avec compassion, longuement, et avec quelque chose comme de l'affection, et pendant un instant, elle fut tentée de se lever pour aller le réconforter. Mais ils n'étaient pas très proches, tous les deux, ce n'était pas comme avec Kirk, alors elle se ravisa et se contenta de lui apporter un soutien silencieux.

« Est-ce que quelqu'un est au courant dans l'équipage ?

- Jim, peut-être. Mais je crois qu'il a oublié ou qu'il a arrêté de faire attention depuis longtemps.

- Et c'est tout ?

- Vous, maintenant. »

C'était dit avec un peu de tristesse. Nyota sentit son cœur se serrer. Ce n'était pas de la peine d'avoir été forcé de partager ce qui le pesait, mais de savoir qu'il n'y avait personne d'autre à qui le faire. La jeune femme ne sut pas quoi dire en réponse, profondément désolée, et le silence s'installa. Il s'étira, lourd et épais, et cela dû mettre McCoy mal à l'aise, car il frappa dans ses mains pour le chasser.

« Bon ! Vous étiez venue pour me parler de Spock. »

Uhura leva un regard incrédule vers le médecin.

« Comment vous– On parle de quelque chose de bien plus important, là.

- Ne vous en faites pas pour moi, je gère très bien tout seul. Je m'y suis habitué.

- Mais vous avez une pathologie sérieuse. Vous êtes–

- Ne le dites pas, » la coupa sèchement le médecin en lui adressa un regard noir.

« Ecoutez-moi. Vous êtes–

- Arrêtez ça, tout de suite !

- Non, je dois le dire. Vous êtes aviophobe, et vous travaillez dans l'espace. Quelle sorte de masochiste psychopathe êtes-vous pour pouvoir supporter ça ? »

Il y eut un bref instant de silence, où l'expression de Leonard se changeait en quelque chose de douloureux et de torturé, où son regard, semblant avoir pris la couleur de l'acier, se chargeait de colère et de peur ; puis, le souffle rendu court par les émotions, il répondit entre ses dents d'une voix dure qui ne lui ressemblait pas :

« Sortez, Lieutenant. Immédiatement. »

Nyota se retint de pousser un soupir contrarié, puis elle se leva du fauteuil et se dirigea vers la porte. Elle allait activer la commande d'ouverture, quand elle se retourna une dernière fois vers le médecin. Leonard était immobile, le regard fixe, le dos voûté, carrant les épaules, baissant la tête, le souffle saccadé et les poings serrés. Il semblait lutter. Contre une force invisible. Et perdre.

Un instant, la jeune femme fut tentée de s'excuser de l'avoir autant affecté, mais elle avait ressenti le besoin de mettre en lumière la vérité, peut-être même une vérité dont Leonard n'était pas conscient, que peut-être, s'il acceptait de vivre dans de telles conditions, c'était parce qu'il avait besoin de ressentir cette peur. La raison était néanmoins encore inconnue.

Soudain, le silence fut brisé une seconde fois, par une autre sonnerie, qui venait de la console murale. Nyota, la plus proche d'elle, s'avança et activa la communication.

« Lieutenant Uhura ? C'est Kirk.

- Oui, Capitaine.

- Je sais que vous n'êtes pas de quart, mais on se téléporte à la surface de la planète, j'ai besoin de vos compétences. Nous partons dans une demi-heure par la salle de téléportation 2.

- J'y serai.

- Merci. Kirk, terminé. »

L'ingénieure en communication pivota vers McCoy, dont la mâchoire était serrée et le visage contracté. Il leva la tête vers elle, réprimant une colère visible à la veine qui battait sur sa tempe.

« J'y vais, » annonça-t-elle. « Prenez le temps de réfléchir à ce que j'ai dit. Ça peut peut-être vous aider.

- Sortez, » gronda-t-il.

Nyota obéit sans ajouter un mot de plus, et la porte se referma sur elle, plongeant la cabine du médecin dans le silence.


Fait parodique utilisé : "Une surtension sur la passerelle est rapidement et correctement diagnostiquée comme étant causée par un condensateur défectueux par le hautement entraîné et compétent personnel d'ingénierie. La pièce de rechange n'est cependant plus disponible depuis 200 ans."

Et voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Je précise ici (car ça aurait fait tache dans le texte), que Jim sait où se trouve Uhura car l'ordinateur l'a localisée comme étant dans les quartiers de Bones :)

J'ai énormément aimé écrire le passage de McCoy qui enregistre son journal personnel. Je sais que c'est un peu mélancolique comme scène, et que l'histoire n'a pas beaucoup avancé dans ce chapitre, mais je voulais vraiment traiter de son aviophobie à un moment, et c'était l'occasion.
Qu'en avez-vous pensé ?

23 octobre 2016

Inauguration du carré des officiers

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Journal de bord du capitaine, date stellaire : 161023.

Cher équipage,

Le service est important, comme chacun sait. Nos missions, les relations que nous tissons avec les peuples de la Fédération nous permettent de grandir, de mieux comprendre notre place dans l'univers. Il est crucial que nos rouages soient bien huilés et que nous sachions précisément comment agir dans n'importe quelle situation. Mais il est tout aussi important de se reposer, et c'est dans ce but que j'ai décidé d'inaugurer, aujourd'hui, le carré des officiers.

Vous y trouverez le matériel nécessaire pour organiser des projections vidéos, pour partager à votre entourage des documents ou des photographies, ou pour débattre autour d'un encas. Une alcôve sera réservée à la lecture, grâce à la réalisation d'une bibliothèque numérique contenant une grande diversité d'ouvrages de la Fédération, romans, articles de presse, journaux officiels, essais, poèmes, et tant d'autres que je vous laisse découvrir. Vous avez aussi à votre disposition une salle d'arcade et un jukebox.

Bien entendu, j'attends de votre part un comportement irréprochable, et bien que ce soit un lieu de détente, les réglements de Starfleet s'y appliquent autant qu'ailleurs.

Dans l'attente de vous y croiser, je vous souhaite de vous y plaire.

Spatialement vôtre,

Azusa Syhta.

23 octobre 2016

Let's party !

 

 

 

23 octobre 2016

Tout ce qui n'arrivera jamais - Chapitre 2 : Polarité contraire

Chapitre 2 - Polarite contraire

Geoffrey M'Benga, médecin à bord de l'Enterprise, était à peu près certain qu'il n'avait jamais été préparé à ça.

Il avait pris son quart depuis presque deux heures lorsque les portes de l'infirmerie s'étaient ouvertes sur la silhouette mince d'une Vulcaine qu'il n'avait encore jamais vue, suivie de près par un Spock égal à lui-même (impassible et professionnel) et un Jim hilare qui essayait de ne pas s'écrouler pour se répandre sur le sol en quelque chose de pitoyable. Son rire, incontrôlé et tonitruant, semblait agresser les deux paires d'oreilles vulcaines de la pièce et, si on se fiait aux larmes qui coulaient de ses yeux bleus, particulièrement douloureux. En sa qualité de médecin, M'Benga comprit rapidement que l'état de Kirk n'était pas dû à une bonne plaisanterie, et il sauta littéralement de son siège pour se précipiter vers lui, un tricordeur dans la main. Alors qu'il l'auscultait, Spock se mit à résumer la situation et ce qui était l'affreux résultat d'une dégustation nostalgique de plats vulcains réputés qui semblaient avoir des effets nocifs sur le corps humain. A la mention du pan'ta, un fruit très amer à chair sèche et rugueuse, M'Benga poussa un soupir à mi-chemin entre le soulagement et le sarcasme, et il rejoignit hardiment le laboratoire de la clinique pour préparer un antidote.

Il l'avait toujours su. Il avait toujours su que ses études de médecine sur Vulcain lui seraient un jour utiles, et ce malgré les nombreuses railleries et critiques incomprises dont il avait fait l'objet. Certes, l'Enterprise n'avait qu'un seul Vulcain (oh, attendez, deux en fait), mais connaître la culture et la physionomie de ce peuple lui servait en cet instant, et il savait, il sentait, que McCoy aurait, lui, essayé de régler le problème de la crise de rire de Kirk en le menaçant avec un hypospray. Pas que ça n'aurait probablement jamais marché, mais M'Benga préférait traiter ce genre de petits dommages collatéraux de façon moins drastique et plus professionnelle. Après tout, sa fierté de « Vulcain de cœur » était en jeu, et qui savait à quel point les Vulcains pouvaient être fiers.

Le médecin prépara rapidement le composé qui annulerait les effets du pan'ta sur l'organisme de Kirk, intimement satisfait de sentir qu'il contrôlait les choses, cette situation, sa vie et toute sa carrière merveilleusement ornée de son affectation sur l'Enterprise. C'était quelque chose dont il était fier.
Pourtant, rien ne le prédisposait à comprendre ni à contrôler ce qui se passait dans l'infirmerie lorsqu'il y revint avec un hypospray chargé. Et il eut subitement l'impression d'être un stupide incapable.

Jim riait toujours, mais cette fois d'une façon plus effrayante et affolée, et M'Benga savait que s'il ne lui donnait pas cet antidote rapidement, son état pourrait empirer sévèrement, mais ce n'était pas ce qui le cloua sur place. Ce n'était pas Spock non plus. En fait, c'était la petite Vulcaine blonde, qui s'était curieusement mise à parler en langage standard mais avec un accent écossais tellement prononcé que même celui de Scotty (surprenamment présent) semblait être académique à côté. Ledit Scotty gesticulait avec excitation en évoquant avec nostalgie et fierté son pays natal et, c'était précisément ce qui avait figé M'Benga, Sana l'y encourageait en se comportement plus ou moins de la même façon ; « Vulcain » et « discussion émotionnellement agitée » ne faisant pas bon ménage dans la tête du médecin.

Heureusement, le court-circuitage de son esprit ne dura pas longtemps, et il bondit ensuite vers Jim pour le calmer de ce qui ressemblait à présent plus à une crise de nerf sanglotante et étranglée, entrecoupée de spasmes. Il plaqua la tête de l'hypospray contre son bras et pressa. Quelques instants plus tard, le capitaine essayait péniblement de reprendre sa respiration, étendu de tout son long sur un lit de l'infirmerie, l'air hagard et perdu. Spock ne parlait pas, comme si, vous savez, ce n'était absolument pas nécessaire pour clarifier ce qu'il se passait du côté écossais de la pièce. Il ne semblait tout simplement pas surpris et se contenta de rester silencieusement, les mains nouées dans le dos, à côté de Jim. De ce fait, M'Benga dû aller à la pêche aux informations seul. Il s'approcha donc de l'ingénieur et de son interlocutrice.

« Commandeur...? »

La voix du médecin était sérieusement empreinte de doute et de peur, comme si l'idée qu'un Vulcain puisse se comporter ainsi l'effrayait. Sana pivota dans sa direction, et reprit en une fraction de seconde sa posture figée et son non-accent starfleetien.

« La petite a vécu en Ecosse », justifia-t-il pour elle l'ingénieur. « Dans les Highlands.

- Dans les– Mais, vous êtes bien Vulcaine ? » Son trouble était aisément perceptible, et plus que de la peur, il y avait maintenant surtout du doute et de l'incrédulité dans sa voix. Il regarda tour à tour Scotty et Sana.

« Affirmatif. Il se trouve néanmoins que j'ai quitté Vulcain à un âge relativement précoce. A cinq ans, trois mois et quatorze jours, pour être tout à fait exacte.

- Oh, donc vous avez grandi sur Terre, » finit par comprendre le médecin.

« C'est exact.

- Mais pourquoi les Highlands ? » demanda-t-il avec curiosité. « C'est une région froide pour des Vulcains et assez isolée de la Fédération et de Starfleet, est-ce que vos parents avaient des postes dans une ambassade ou... quelque part ? »

A cet instant, Jim voulut lui répliquer que des Vulcains venant vivre sur Terre n'étaient pas forcés d'être des autorités diplomatiques ou politiques et qu'ils étaient libres de faire les métiers qu'ils voulaient, surtout qu'il présumait que l'Ecosse était un pays fantastique pour tout ce qui était étude biologique, environnementale et géologique, mais il avait failli mourir d'une crise de rire provoquée par un fruit exotique et ses poumons le faisaient affreusement souffrir. Il resta donc coi, bien que cela le démange d'essayer quand même.

Au même moment, l'expression de Sana changea quelque peu. Son regard se fit un peu plus émotif, une lueur étrange, à la fois mêlée de tristesse et de colère, fit briller leur bleu surnaturel ; une très légère moue plissa ses lèvres ; puis elle redressa la tête avec un air de défi manifeste. Même si personne ne sut contre qui il était dirigé.

« J'étais seule. J'ai été admise peu après mon arrivée à la Pension Moncrieff.

- Oh, je suis désolé. » M'Benga se reprocha d'avoir demandé, avant de se dire qu'il n'aurait de toute façon pas pu deviner. Autour d'eux, le temps sembla comme suspendu, figé et l'air était étrangement épais. Le médecin hésita un instant à continuer à questionner le Commandeur, ne souhaitant pas être trop intrusif, mais Sana semblait moins secrète que Spock, ce qui le décida à reprendre : « Vous n'avez donc pas eu d'instructeur Vulcain ?

- Non, mais il m'a semblé rapidement évident que Starfleet était le seul moyen pour moi d'avoir une place, une véritable place, dans cet univers. »

Elle adressa à ce moment un regard entendu à Spock, qui hocha doucement la tête. M'Benga les regarda tous deux avant de revenir vers Sana, soudain très sérieux.

« Navré, mais j'aimerais pouvoir m'entretenir plus longuement avec vous à ce sujet. Vous faites partie de l'équipage de l'Enterprise pour quelques temps, je pense qu'il est nécessaire, au moins pour l'équipe médicale, de savoir ce qui nous attend si... Enfin, sans aller jusqu'à parler d'instabilité émotionnelle, admettez que vous présentez plus de danger que le Commandeur Spock.

- Je le conçois. Je parlerai avec vous. »

Le médecin acquiesça, visiblement satisfait, puis il lui fit signe de le suivre dans le bureau, situé à l'opposé du laboratoire, et ils laissèrent Jim, Spock et Scotty seuls.

oOo

C'était le milieu de l'après-midi à présent, le lieutenant Uhura avait terminé son quart depuis un peu plus de deux heures. Après un rapide passage à ses quartiers pour se rafraîchir et passer une tenue moins formelle que son uniforme, elle prit le turbolift pour rejoindre les ponts les plus bas de l'Enterprise, là où se trouvaient, certes les contrôles des réacteurs, les hangars et les réservoirs de carburants, mais aussi les installations les plus intéressantes. Un vaisseau de cette ampleur, avec un équipage aussi conséquent et des missions aussi longues, se devait d'être équipé pour permettre à chacun de se détendre et de se sentir chez lui. Tout un complexe sportif était mis à disposition, ainsi que divers jacuzzis, mais ce n'était pas ce qui l'intéressait en cet instant.

Nyota quitta l'ascenseur et suivit le couloir sur sa droite et qui rejoignait le flanc bâbord de l'Enterprise. Là, se trouvait d'un côté un salon d'observation, dont l'immense baie vitrée et les lumières tamisées (même pendant la période diurne) permettaient d'observer l'espace et de se sentir si ridiculement et inutilement petit qu'on pouvait être étourdi ; et de l'autre côté, le jardin botanique. C'était une large serre ouverte sur l'univers de la même façon que la salle précédente, mais les synthétiseurs de lumière solaire diminuait le côté « isolé et minuscule », la température était un peu plus élevée que sur le reste du vaisseau, l'air un peu plus humide, et la ventilation diffusait une très légère brise. Tout cela, combiné à la densité luxuriante de la végétation, rendait cet endroit comme un îlot terrestre au milieu du néant et du silence.
La journée, la serre était sillonnée par les laborantins et les scientifiques, ainsi que par quelques promeneurs. C'était une destination appréciée par l'équipage pour le bol d'air frais qu'elle pouvait offrir. Mais le soir, c'était différent. Il n'était pas rare que des couples viennent profiter de son ambiance vivante, des lumières qui simulaient la chaleur d'un coucher de soleil, et de la beauté de l'espace piqueté d'étoiles visible par la baie d'observation. Nyota ne s'y aventurait pas pendant les heures qui précédaient la période nocturne, sa relation avec Spock périclitait à cause de nombreux facteurs (le principal étant la différence culturelle, et la jeune femme avait beau s'informer, le peuple Vulcain était bien trop secret sur ses traditions et son fonctionnement pour qu'elle puisse se sentir à l'aise) et l'idée de se retrouver à tenir la chandelle aux amoureux ne la tentait pas. Rien n'était encore perdu cependant, mais elle ne pouvait affirmer que tout se passait bien entre eux.
Alors elle préférait venir se ressourcer au jardin botanique pendant la journée, et elle avait de toute façon pris l'habitude d'y retrouver régulièrement des amis, en fonction des heures de service de chacun. Aujourd'hui, c'était Christine Chapel, l'infirmière qui assistait les deux médecins dans leur tâche difficile de maintenir l'équipage en bonne santé, et en vie.
Christine avait un temps quitté l'Enterprise, certaine qu'elle serait bien plus heureuse loin d'un commandant aussi étrangement unique et particulier que l'était James Tiberius Kirk, mais elle s'était rapidement rendue compte que l'énergie et le sentiment de chaleur, d'appartenance, de possession, que lui avait procuré son temps avec cet équipage, ces hommes et ces femmes, ce capitaine, lui manquaient atrocement, et elle avait fait la demande de revenir. Nyota, principalement cadette lorsque Christine était en poste, n'était devenue amie avec elle qu'à son retour sur le vaisseau, mais leur amitié était aussi sincère qu'une autre.

L'ingénieure en communication s'avança dans le jardin, laissant ses doigts effleurer les larges feuilles émeraude ou les pétales colorés des fleurs qui formaient une sorte de tunnel de verdure vers l'extrémité de la serre, où se trouvait les diverses alcôves ; puis elle bifurqua et se dirigea vers celle où elle était attendue.
Camouflée par un muret blanc sur lequel poussaient des plantes aux feuilles aussi imbriquées et plissées que celles d'un chou, mais fendues et étendues que celles des fougères arborescentes, la banquette se trouvait non loin de la baie vitrée, bien qu'elle soit tournée vers une épaisse haie, mouchetée de fleurs jaunes de la taille d'une mouche. Christine était déjà là, habillée d'une robe bleu pâle qui faisait ressortir ses yeux et sa chevelure blonde. Nyota la salua énergiquement et s'assit à côté d'elle.

« Quoi de neuf ? » demanda-t-elle.

« Il paraît que le Commandeur Sana, tu sais, le capitaine de l'Excalibur, est Vulcaine.

- Ah oui ? »

Nyota se demandait bien pourquoi, entre tous les sujets qu'elle aurait pu aborder, elle parlait spécifiquement de Sana. Elle pressentit une volonté intimement compatissante et respectueuse de son amie de venir à parler de Spock, et elle apprécia la démarche. Mais elle n'avait pas envie de parler de son compagnon en cet instant, car elle était pleine de doutes, elle qui montrait pourtant une confiance en elle presque infaillible (et c'était ce qui faisait qu'elle était indispensable à son poste). Mais aussi, oh ! Christine était son amie, et elle pouvait bien se confier, après tout.

« Je ne sais pas quoi faire à propos de Spock », avoua-t-elle avec franchise en baissant un instant les yeux, assez fugacement pour voir dans le regard de l'infirmière qu'elle avait bien présumé. Christine eut une expression sincèrement désolée et elle posa sa main sur son bras.

« Je ne suis pas une experte en Vulcains comme le Docteur M'Benga, mais je me doute que ça peut être compliqué. Je veux dire, il y a des peuples moins difficiles à comprendre qu'eux, autour de nous. Moins réservés, moins froids.

- Ils ne sont pas dénués d'émotion », la corrigea Nyota avec une voix un peu trop dure. « C'est juste qu'ils ne les montrent pas.

- Oui, je sais, excuse-moi ». Christine caressa amicalement le bras de son amie, comme si elle voyait sa peine de ne pas arriver à s'accorder avec celui qu'elle aimait. « Tu sais que je te soutiendrai toujours, mais depuis quelques temps, je me demande si ce ne serait pas plus simple pour toi de... »

Sa voix mourut dans l'air humide et tiède de la serre quand l'infirmière croisa le regard de son amie. Nyota avait compris ce qu'elle voulait dire, tellement perspicace et vive d'esprit, et lui indiquait par ses sourcils légèrement froncés, cette petite ride sur son front et sa bouche incurvée par le bas qu'elle ne souhaitait pas qu'elle termine cette phrase. Christine détourna les yeux et retira sa main de son bras.

« J'apprécie que tu t'inquiètes pour moi, Christine, vraiment. »

Nyota avait repris la parole calmement, son instant de colère envolé comme il était venu.

« Mais on ne choisit pas qui on aime.

- Je le sais. Oh ! Je le sais tellement, Nyota. »

Sa voix ressemblait à une supplique, à une confidence étranglée, qui disparut en un claquement de doigt comme si elle n'avait jamais voulu la montrer, mais que l'émotion était là, et déchirante et douloureuse dans sa poitrine. Uhura resta silencieusement un moment et décida de ne pas la forcer à se dévoiler, Christine le ferait d'elle-même lorsqu'elle en aurait envie.

« Je ne sais pas quoi lui dire », reprit-elle doucement. « On se voit peu en dehors des services, à cause de ses responsabilités de Premier Officier, je le sais bien mais– Je fais des efforts, j'essaie, c'est juste qu'il me manque et– Enfin... Je ne voudrais pas le presser, paraître insistante, mais il ne demande jamais à ce qu'on se retrouve seuls. Tu vois ? C'est comme si on n'était rien de plus que de très bons amis.

- Tu n'as jamais pu lui en parler ?

- Non. Il travaille plus que nous puisqu'il doit seconder le Capitaine ou le remplacer ; en plus de ça, il prend toujours du temps pour ses expériences, il fait du sport : il dit que c'est important pour que son corps ne s'affaiblisse pas à cause de la faible gravité du vaisseau... Si tu comptes, il reste à peine les moments des repas et la nuit. Sauf que je travaille de nuit une semaine sur trois et il mange la plupart du temps avec le Capitaine pour lui faire ses rapports ou organiser les missions.

- C'est compliqué... » souffla Christine en s'affaissant sensiblement sur la banquette, comme écrasée par le poids de la situation de son amie. Elle sembla réfléchir quelques instants, puis elle se redressa et se tourna vers elle en affichant un regard malicieux et confiant. « Et si je te présentais quelqu'un ? »

Nyota manqua de s'étouffer, et son regard reprit cette teinte noire et sévère qui lui était commune lorsqu'elle était en colère.

« Pardon ?

- Pas quelqu'un qui remplacerait le Commandeur Spock, mais quelqu'un qui pourra plus te conseiller sur comment tu dois lui parler.

- Il y a quelqu'un qui connaît assez Spock pour ça ? » Elle réfléchit, passant en revue les membres de l'équipage. « Le Capitaine ?

- Non, même si c'est vrai qu'il le connaît bien.

- Le Docteur M'Benga, alors ?

- Non plus.

- Qui alors ? » la pressa Uhura, ne voyant pas qui pourrait l'aider à part l'un des amis du Premier Officier ou un médecin qui avait fait ses études sur Vulcain.

« Tu verras. Fais-moi confiance. »

oOo

A dix-sept heures, cela faisait presque une heure et demie que Jim et Spock étaient de retour sur la passerelle. Grya, le pilote-en-chef en service, un jeune homme à la peau légèrement verte (mais d'une manière différente de celle de Spock, avait remarqué Jim, et de toute façon, le navigateur semblait plus avoir de l'Orion que du Vulcain) s'était tourné vers son supérieur pour l'informer que l'arrivée sur la station scientifique était prévue pour le lendemain en début d'après-midi. Le Capitaine commença à faire le tour des consoles afin d'avoir les relevés et les résultats amassés par les senseurs concernant la nébuleuse qu'ils allaient devoir approcher pour rejoindre Azure X, lorsqu'une chose improbable se produisit.

Toute la pièce fut soudainement plongée dans le noir, tout était éteint, des lumières au moindre voyant des consoles, les réacteurs, les couloirs et les systèmes environnementaux. Le générateur principal était éteint, et l'auxiliaire ne prit pas le relais, se contentant d'assurer ses maigres tâches de base, comme l'éclairage de secours, le système de séparation de la soucoupe, et quelques radars, ce qui n'était pas très utile en l'instant.

Il y eut une embardée lorsque la gravité se mit soudain à défaillir : des cris étouffés et des exclamations retentirent tandis que chacun essayait de rester au sol en s'agrippant à ce qui était à portée, qui un fauteuil, qui une rambarde, qui une console. Déjà, des padd se mettaient à voler en tous sens, Jim baissa vivement la tête pour en éviter un ; mais il saisissait l'urgence de la situation plus que n'importe qui d'autre. Car sans système de contrôle environnemental, il n'y avait plus de gravité, mais non plus de régulateur de température ou de pompes d'aération. Si le courant ne revenait pas rapidement, le vaisseau était mort.
Privé de courant, l'Enterprise avait quitté la distorsion, mais la poussée précédente des propulseurs continuait à la faire avancer par énergie cinétique, et elle se déplaçait comme un objet inanimé, au milieu de cet univers froid, vide et mortel, en tournant lentement sur elle-même.

Jim allait ordonner à la passerelle de garder son calme et d'essayer de bouger le moins possible (et donc de respirer le moins possible) quand, devant eux, apparut une chose étrange, immatérielle, une boule d'énergie qui flottait devant l'écran principal, faite d'une multitude de tous petits canaux tordus et lumineux, qui grésillait et vrombissait, et diffusait une impression vraiment bizarre de vie supérieure. Elle s'approcha, projetant sa lumière blafarde, d'un jaune vif, sur le sol poli de la passerelle, les consoles, le plafond, les visages des membres de l'équipage. Elle s'approcha et tendit une partie d'elle vers les tableaux de bord de l'Enterprise, et cet infime canal, ce morceau d'énergie, s'allongea, grandit, et s'étira encore, jusqu'à former comme une sorte d'appendice parcouru de toutes parts par ces fils lumineux grésillant et électriques. A peine le contact fut fait, que la boule disparut dans un bruit de détonation, et tous les systèmes de l'Enterprise redémarrèrent, lentement, hésitamment, après avoir crépité et tremblé quelques instants, et cela rappela à Jim la fois où il avait piraté le programme du test du Kobayashi Maru. Dans le lointain, on entendit le grondement grave et sourd des nacelles, des moteurs, les très légers sifflements des systèmes environnementaux, et– Une embardée encore, une secousse, plus sévère que la première, et tout le monde se retrouva cloué au sol, hagard, nauséeux et faible. Il fallut plusieurs minutes avant que chacun ne se redresse, lentement, prudemment, retrouve sa chaise et ses marques, et vérifie que rien n'avait causé de dégât. Jim avait l'estomac retourné, l'esprit embué et il s'efforçait de ne pas se laisser aller à vomir. Au lieu de cela, il pianota rapidement sur l'accoudoir de son fauteuil et ouvrit une communication pour l'ensemble du vaisseau.

« Ici le Capitaine Kirk. Votre attention s'il vous plait. Nous venons d'être victime d'un sérieux dysfonctionnement mécanique. Tout semble être revenu dans l'ordre, mais soyez attentifs au moindre signe d'anormalité. Avertissez immédiatement vos chefs de service si tel était le cas. Kirk, terminé. »

Jim fit pivoter son fauteuil vers la console scientifique, l'air sérieux et grave, et autour, les autres officiers peinaient à reprendre leurs activités.

« Spock, c'était quoi, ça ? »

Le Vulcain tapait sur le clavier digital à une telle vitesse que ses doigts devenaient flous, puis il s'arrêta subitement, leva le nez vers les écrans, et se tourna vers son capitaine. Son expression était impassible, mais sa voix et son regard trahissait sa fascination pour ce qu'il venait de se passer.

« Si j'en crois mes relevés, cette… chose que nous avons vu est une forme de vie composée d'énergie pure. Il semble qu'elle ait tenté d'éteindre les systèmes de l'Enterprise afin de pouvoir créer une connexion viable vers l'ordinateur de bord.

- Et… elle a disparu, et c'est tout ?

- Elle n'a pas disparu, mais a été détruite. Un ingénieur du département électrique vous l'expliquerait mieux que moi, mais je ne devrais pas me tromper en affirmant que la nature électromagnétique de cette forme de vie a été instantanément brisée par la polarité du courant de l'Enterprise. »

Kirk fronça les sourcils, les lèvres plissées, puis il lâcha un petit soupir.

« Je vois. Le vaisseau a subi des dégâts ?

- Les communications fonctionnent.

- Le senseur principal également », répondit l'autre officier scientifique alors qu'il s'activait sur sa console. « Je vérifie les radars et les sondes.

- Tous les systèmes de propulsion marchent, Monsieur.

- L'armement aussi. »

Jim hocha lentement la tête, pensif et soucieux.

« Bien. La coque ? Les boucliers ?

- Aucun dommage.

- Les systèmes environnementaux– ? Faites passer le message à l'infirmerie : que le Docteur M'Benga distribue des remèdes contre le mal de l'apesanteur.

- Oui, Monsieur.

- Les systèmes sont en état de marche, sur tous les ponts.

- Capitaine. »

C'était Spock. Son ton avait été tranchant, plus dur qu'à l'accoutumée, et cela avait suffi pour que Jim comprenne que quelque chose n'allait pas. Il se tourna dans sa direction et vit dans son regard sombre, dans les deux billes d'obsidiennes qui le fixaient, que ce n'était pas bon.

« Les radars de spatiolocalisation ne répondent plus. Je présume qu'ils ont été affectés par la tentative de l'entité de se connecter à l'Enterprise. Il en va de même pour le système de séparation de la soucoupe. »

Kirk posa les coudes sur ses cuisses et croisa les mains, pensif. La situation n'était pas bonne, mais loin d'être catastrophique. Après tout, le vaisseau fonctionnait, ils étaient en vie et ils avaient de quoi naviguer et se défendre. Malheureusement, la spatiolocalisation était capitale s'ils voulaient savoir dans quelle direction ils allaient et où ils se trouvaient. Certes, il y avait toujours moyen de se repérer grâce aux étoiles et aux constellations, mais c'était fastidieux et peu précis.

« Appelez l'équipe de maintenance pour qu'ils voient si on peut réparer ça, » dit Jim à l'officier en communication assis à côté de Spock, avant de se tourner vers son Premier Officier, puis vers le reste de la passerelle. « Et essayez de trouver où on est. Voler à l'aveuglette serait dangereux, ici. »

Tandis qu'il parlait, l'Enterprise terminait de se stabiliser et de décélérer de sa phase d'inertie. Par l'écran principal, on pouvait voir qu'une planète n'était pas très loin, et qu'une étoile brillait vivement en surplomb. Grya pâlit subitement, épouvanté, et se tourna vers son supérieur, l'air affolé, les doigts tremblants. Sur sa console, ses calculs avaient amenés à des coordonnées.

« C'est Qo'noS, Capitaine. La planète natale des Klingons. »


 Faits parodiques utilisés :
- "Un énigmatique être composé d'énergie pure tente de se connecter à l'ordinateur de l'Enterprise, seulement pour être détruit parce que c'est la mauvaise polarité."
- "Les incidents arrivent lorsque ce n'est pas le quart de Kirk, Spock, McCoy, Sulu, Uhura ou Chekov."
- "L'Enterprise rend visite à un avant-poste éloigné de scientifiques, et se perd désespérément dans le mauvais système solaire."

Voilà pour ce chapitre ! J'espère qu'il vous aura plu :)

 

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22 octobre 2016

Tout ce qui n'arrivera jamais - Fiche

Journal de bord du capitaine, date stellaire : 161020.

Cher tous,

Il est important pour moi de vous paraître accessible, aussi, j’ai pris la décision de vous partager un texte que j’ai rédigé durant le peu de temps libre que m’accorde ma fonction. Je l’ai voulu humoristique et réaliste ; il mettra en relief tout ce qui nous parait évident, à nous, engagés dans l’espace, mais qui reste obscur pour ceux qui ne voient de nous que les résultats que nous apportons à la Fédération et à Starfleet.

Cette histoire raconte le quotidien d’un équipage, qui vit, parfois de façon (je vous l’accorde) peu crédible, des situations qui ne nous sont pas coutumières. Par exemple, avons-nous déjà pu régler une situation préoccupante sur une planète grâce à la Directive Première ? Ou alors, avons-nous déjà eu à faire à un trouble spatio-temporel qui ne s’est pas retrouvé lié avec la Terre du 20ème siècle ?

Cet essai relate des faits similaires. J’espère qu’il vous plaira, ou du moins, qu’il vous divertira entre deux de vos services.

Spatialement vôtre,

Azusa Syhta.


00 - Fiche

Titre : Tout ce qui n’arrivera jamais.
Auteur : Shinamaryllis

Genre : Tranche de vie, humour, romance, amitié, aventure
Rating : K+
Disclaimer : Je ne retire aucun bénéfice pécuniaire de cette histoire. L’univers de Star Trek appartient à Gene Roddenbury, JJ Abrams et Paramount, mais les personnages originaux m’appartiennent.
Avertissement : Cette fiction traitera de deux romances, une hétérosexuelle, et une homosexuelle (MxM).

Chapitre 1 : Comme n'importe quel autre jour à bord de l'Enterprise

Chapitre 2 : Polarité contraire

Chapitre 3 : Le silence éternel des espaces infinis

 

Vous pouvez aussi lire cette fiction sur fanfiction.net et AO3.

22 octobre 2016

Tout ce qui n'arrivera jamais - Chapitre 1 : Comme n'importe quel autre jour à bord de l'Enterprise

Chapitre 1 - Comme n'importe quel autre jour

Aux confins de l'espace, comme tous les jours depuis un peu plus de trois ans, l'Enterprise voguait tranquillement vers une destination lointaine. Malgré le temps qui passait et la routine qui s'était installée (heureusement brisée par des missions qui se terminaient parfois de façon inattendue), l'équipage restait professionnel, dynamique et motivé. Les équipes se relayaient jour et nuit pour maintenir le vaisseau en activité et pour que l'exploration ne cesse jamais.

Là, par exemple, alors que de façon très localisée dans l'espace et en synchronisation avec le siège de Starfleet, les horloges digitales affichaient une heure particulièrement matinale, la passerelle était occupée de façon réduite par les lieutenants Sulu et Bailey au pilotage, la Caitiane M'Ress aux communications, le lieutenant Alden aux radars, et le lieutenant Galloway à la sécurité. Le fauteuil était tenu par intérim par Sulu, qui était tout à fait capable (avec l'activité à bord et le plan actuel de vol) de porter les deux casquettes. Car l'Enterprise se dirigeait en facteur de distorsion bas vers la base stellaire XBS-34, affectueusement nommée Xobos, située dans le secteur Praxis, non loin de la Zone Neutre. Là, le capitaine avait prévu de faire une halte afin de permettre à ceux qui avaient demandé une permission de pouvoir se reposer, pendant que le reste de l'équipage rendait visite à un avant-poste scientifique qui étudiait une nébuleuse particulièrement agitée. Le genre de mission qu'affectionnait Jim Kirk, c'était bien connu !

Alors que sur la passerelle, les officiers de service s'ennuyaient ferme (après tout, fixer pendant des heures le vide spatial qui s'emmêlait à cause de la distorsion n'avait rien de divertissant), le docteur McCoy était de permanence pour la nuit avec pour seul patient un tribule qu'il avait inopinément sauvé de la mort quelques années plus tôt. Dans l'infirmerie, comme dans le reste du vaisseau, les lumières étaient tamisées afin de simuler la période nocturne, et il n'y avait que quelques voyants qui clignotaient sur les consoles et les murs. McCoy poussa un long soupir las alors qu'il caressait distraitement la boule de poil juchée sur ses genoux. Être inactif ne lui réussissait pas, et il détestait pour cela être de l'équipe de nuit, mais hé, il fallait bien l'accepter pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui profitent d'un vaisseau vide. Joie. Le médecin poussa un autre soupir, à la limite du gémissement désespéré, et la créature lovée sur ses cuisses poussa un piaillement surpris avant de se rendormir. Avec un air narquois, Leonard se leva de son siège et se dirigea vers une sorte d'aménagement qui ressemblait à une cage à lapin, dans laquelle il plaça le tribule, puis il referma la porte en plexiglas et se retourna vers l'infirmerie désespérément vide.

« Quand je vois ça, je me dis que ça fait un bon bout de temps qu'on n'a pas eu de mission foireuse ou rencontré de problème spatial potentiellement dangereux » s'adressa-t-il (sans trop y croire) au tribule. Celui-ci poussa une sorte de grognement en réponse, mais à cause de son gabarit, cela ressembla plus à un ronronnement qui sonnait distrait et peu concerné, comme s'il voulait indiquer qu'il se fichait bien de ce que le médecin pouvait bien raconter. Bones lui jeta un regard faussement noir avec un sourire en coin. « Ça va, je te laisse dormir. »

Cette petite bête, souvenir de l'affrontement de l'Enterprise contre le redoutable Khan, s'était montrée particulièrement résistante après avoir été ramenée à la vie, et comme Leonard ne pouvait décemment pas faire d'expériences sur Jim, il avait gardé le tribule pour l'observer à la place. Cette décision avait été accueillie par un profond respect pour la logique de la décision par Spock (même si cela ne le concernait pas, mais McCoy avait été certain de voir l'ombre d'un petit sourire amusé sur ses lèvres à ce moment) et un haussement d'épaule perplexe par Jim, qui n'aimait pas bien l'idée d'être examiné via un animal pelucheux et bien trop mignon pour sa dignité d'homme et de capitaine. Un temps, l'idée de baptiser le tribule « Jim » avait été lancée. Spock, une fois encore, n'était pas intervenu, comme si la situation ne manquait pas de le faire s'écrouler de rire ; mais à la vulcaine, donc seulement avec un haussement de sourcil intéressé et une lueur folle dans le regard. Jim (le capitaine) avait refusé avec véhémence, et pour se venger de l'idée, avait décrété que la créature s'appellerait « Leonard », ce que le médecin n'avait pas arrivé à faire changer, son ami étant bien trop buté.

McCoy commença à envisager de traîner sur le net pour s'occuper, quand l'intercom de son bureau bipa. Il rejoignit sa place et activa la communication.

« Passerelle à l'infirmerie. Docteur McCoy ? » fit la voix de Sulu, déformée par le haut-parleur.

« Je vous écoute.

- Nous approchons de Xobos. Nous devrions appareiller dans une vingtaine de minutes. Vous pouvez aller vous reposer, je pense que le capitaine vous voudra avec lui pendant la visite de la base.

- C'est plus que certain » grommela-t-il. Arpenter de long en large une base stellaire avec trois heures de sommeil dans les pattes et un capitaine un peu trop excité de faire une escale, quel pied ! « Merci M. Sulu. N'hésitez pas à venir me réveiller au moindre problème.

- Entendu. Sulu, terminé. »

Le capitaine intérimaire coupa la communication tandis que Leonard se dirigeait vers la pièce attenante à l'infirmerie qui permettait aux infirmiers et médecins de permanence de pouvoir se reposer ou se détendre lorsque le service était calme, comme là. Il allait passer la porte quand il fit une moue résignée, et se retourna pour aller chercher la petite cage dans laquelle dormait paisiblement le tribule. Une fois dans la salle de repos, il la posa sur une table, l'ouvrit et saisit délicatement la petite créature, qui poussa un roucoulement de contentement en sentant les doigts du docteur s'enfoncer dans son épaisse fourrure. McCoy s'allongea ensuite sur l'un des lits, plaça son alter ego à côté de l'oreiller et se pelotonna sur le flanc. Se disant qu'il s'était stupidement attaché au tribule, il se mit à caresser les longs poils chinés, puis il ferma les yeux et, bercé par les ronronnement de Leonard, ne tarda pas à s'endormir.

oOo

L'Enterprise accosta peu après à l'un des ponts d'amarrage de Xobos. Sur la base, l'heure était à peine moins matinale que celle du vaisseau, et personne, à part les détachements de sécurité et les travailleurs de nuits, n'étaient levés. Sulu laissa partir la plupart de l'équipe de passerelle, à l'exception de M'Ress, l'officier en communication. La salle de commandement, déjà calme, devint tellement silencieuse que le jeune pilote s'autorisa à s'avachir sur son fauteuil et à croiser les jambes sur sa console, tandis qu'il naviguait distraitement sur le net, le padd calé sur ses cuisses. Derrière lui, la Caitiane se leva de sa chaise et, le communicateur toujours à l'oreille, vint s'installer à la deuxième console de pilotage, à côté de son collègue. Sulu leva les yeux vers elle et un sourire cordial étira ses lèvres. M'Ress le lui rendit, son expression dévoilant ses canines longues et faisant étinceler ses yeux jaunes. Elle rejeta machinalement derrière son épaule son épaisse chevelure fauve et s'appuya sur la console de navigation.

« Vous prenez une permission, Lieutenant ?

- Hélas, non », répondit Sulu avec un air faussement déçu. « Le capitaine ne souhaite pas que je la prenne en même temps que Chekov. Que ferait-il sans ses deux meilleurs pilotes ? »

M'Ress gloussa en réponse à cet accès de vantardise. Elle savait que Hikaru n'était pas immodeste, mais il aimait parfois faire briller sa position et ses galons avec une plaisanterie de ce genre.

« Vous aviez fait une demande ?

- En fait, non », avoua le jeune asiatique avec un regard malicieux. Puis il passa affectueusement la main sur sa console : « Il faut croire que j'aime trop l'Enterprise pour ça.

- Pourtant, vous avez une famille, je crois.

- Oui, mais elle n'est pas venue sur Xobos. Trop loin et trop proche de la Zone Neutre. Trop dangereux.

- J'ai entendu dire que vous aviez une fille. »

A la mention de son enfant, le cœur de Hikaru se gonfla de bonheur et de fierté. Le sourire aux lèvres, il pianota sur son padd et afficha une photographie où il se trouvait, rayonnant, en compagnie d'une petite fille aux longs cheveux noirs et d'un bel homme d'origine asiatique plus grand et plus massif que le pilote. M'Ress observa longuement l'image, attendrie.

« Elle est adorable.

- Et vous, une famille ? » renvoya Sulu en éteignant le padd.

« Seulement ma mère. Mon père travaillait aux archives de Londres lorsque Khan a... »

Sa voix mourut subitement. L'ambiance détendue et presque amicale qui s'était mise en place sembla se déchirer lorsque la Caitiane avait fait référence à l'horrible attentat à la bombe qui avait causé d'innombrables morts, plus de trois ans plus tôt. Le navigateur toussota, gêné, et retira ses pieds de la console pour prendre une position moins décontractée. M'Ress secoua légèrement la tête en faisant une moue désolée, puis elle se redressa.

« Hum, je vais répliquer du café, vous en voulez ? »

Sulu hocha la tête, un sourire de compassion discrète sur les lèvres. Il tapota ensuite sur sa console, vérifiant l'état des propulseurs, des nacelles, et la quantité restante de carburant, tandis que la Caitiane s'approchait d'un renfoncement dans le mur. Elle entra un code sur le boîtier digital qui s'y trouvait, et une porte coulissa pour donner accès à un réplicateur. Là, elle entra sa commande. Elle revenait vers Sulu avec une tasse de café chaud quand celui-ci leva les yeux dans sa direction.

« Lieutenant, contactez le centre de commande de la base et demandez leur la permission de remplir nos réservoirs.

- Oui, capitaine.

- Et prévenez-les que l'équipage quittera l'Enterprise vers neuf heures, heure locale.

- A vos ordres. »

Chacun une tasse en main, ils reprirent leurs occupations. M'Ress passa les communications demandées, tandis que Sulu planifiait le plan de vol vers la station scientifique qu'ils devaient visiter après l'escale.

oOo

Il était à peine sept heures (heure de l'Enterprise) lorsque les portes coulissantes de la passerelle s'ouvrirent sur Kirk et son fidèle maillot or. Sulu et M'Ress avaient laissé leur place à l'équipe de matin depuis un peu moins d'une heure et ce fut avec un entrain très professionnel que le capitaine salua Chekov et Uhura avant de s'installer sur le fauteuil de commandement. Le jeune russe lui résuma le voyage et les actions de Sulu durant la nuit, et l'officière en communication lui rapporta les demandes qui avaient été faites à la base en matière de ravitaillement. Satisfait, Jim enclencha plusieurs boutons sur son accoudoir et s'adressa à son équipage (du moins ceux qui étaient de service, le message étant enregistré pour ceux qui dormaient).

« Bonjour à tous, ici le capitaine Kirk. Nous sommes arrivés dans la nuit à la base stellaire XBS-34 pour notre escale. Un quartier libre est accordé à l'ensemble du personnel, à l'exception de l'équipe réduite de ce matin. Nous quitterons le pont à quatorze heures pour rejoindre la station scientifique Azure X. Ceux d'entre vous à qui il a été accordé une permission peuvent d'ores et déjà quitter le vaisseau. En outre, pour toute demande d'importance, vous pouvez utiliser la fréquence Thêta pour joindre le Lieutenant Uhura. Kirk, terminé. »

Jim coupa la communication puis, comme s'il avait été piqué, s'éjecta de son fauteuil pour se diriger vers le turbolift. Les portes allaient se refermer quand il se retourna vers la passerelle.

« M. Chekov, je vous laisse l'Enterprise.

- Oui, Capitaine. »

Mais celui-ci avait déjà disparu dans l'ascenseur.

Après avoir passé plus de trois mois dans l'espace sans point d'attache, Jim était particulièrement excité à l'idée de marcher sur autre chose que le revêtement poli des couloirs du vaisseau. Pas qu'il n'aimait pas l'Enterprise, loin de là (certains s'amusaient à le dire marié à elle), mais un changement d'environnement n'était jamais refusé, surtout s'il pouvait briser cette routine vicieuse qui s'était installée pendant la mission quinquennale. Jim aimait l'espace : il pouvait passer des heures à observer le vide sidéral, les étoiles lointaines, les nébuleuses et les poussières de comète, quand ses navigateurs ne voyaient qu'une bouillie mixée par l'effet de distorsion. Mais il n'y avait pas de repère dans l'espace, pas d'heure, pas de sol, pas de gravité. Garder les pieds sur terre était difficile, et Starfleet avait précisé dans les closes de son programme d'exploration que l'Enterprise devait faire des haltes régulières à des stations ou des bases pour changer d'air. Et pour cela, même si l'escale était courte, Xobos était parfaite.

A peine plus récente que Yorktown, une base devenue célèbre pour les prouesses techniques et technologiques dont elle était capable, XBS-34 était très bien équipée, et ressemblait à une sorte d'île paradisiaque au milieu du silence de l'univers. La plate-forme était construite sur une trentaine de niveaux parallèles à ciel ouvert, hérissés chacun de tours et d'immeubles de verre et traversés en tous sens par les trains et les lignes d'ascenseurs. Au sommet, une superbe construction en forme de dôme se trouvait être un stade qui pouvait accueillir des événements aussi divers que des rencontres sportives, des opéras, des ballets ou des concerts, ceux-ci étant retransmis en direct par hologrammes depuis les lieux lointains où ils étaient joués.
Tout en bas en revanche, une multitude de corridors et de ponts s'étoilaient telles les ramifications d'un arbre, ou plutôt de ses racines, et au bout de chacun d'entre eux, un vaisseau était amarré. Au plus près du premier niveau, on pouvait apercevoir plusieurs centaines de patrouilleurs dévoués à sécuriser la base, puis venaient ensuite les invités : nefs scientifiques, diplomatiques, navires de croisière, et des œuvres plus importantes comme la célèbre Enterprise de Starfleet.
L'ensemble de la base, à l'exception du spatioport, était enfermé dans une immense sphère qui simulait tous les aspects environnementaux de la Terre, que cela soit la luminosité en fonction de l'heure de la journée, ou la météorologie (par mesures économique et écologique, la pluie, la neige, le brouillard et la grêle étaient holographiques et non réels), ce qui en faisait une destination privilégiée au sein de la Fédération.

Pressé de parcourir les larges boulevards ensoleillés de la base, Jim retrouva à la salle de téléportation principale un McCoy luttant contre l'envie de s'endormir debout et un Spock dont l'ombre de la commissure droite de sa bouche ne cessait de tressauter, ce que Jim identifiait comme étant l'expression d'une agitation particulièrement forte, certainement à l'idée de découvrir Xobos (ce qu'il comprenait très bien), et ils furent rapidement envoyés au niveau administratif. Le reste du personnel, ceux qui avaient le temps de batifoler et de se promener, devraient prendre des moyens de transport plus classiques. Les trois officiers se matérialisèrent dans une pièce arrondie tellement plus vaste et novatrice que celle qu'ils venaient de quitter que Jim pensa qu'il valait mieux que Scotty ne la voie pas s'il ne voulait pas que l'ingénieur se mette littéralement à baver d'envie sur les circuits complexes et les consoles certainement plus performants que ceux de l'Enterprise (qui se devait être plus nomade et donc moins gourmande en énergie). Ils furent alors accueillis par un groupe d'hommes et de femmes humains et extraterrestres portant des uniformes divers : l'un des hommes était un amiral de Starfleet, un vieux bonhomme rabougri qui avait certainement dû penser faire sa dernière affectation à la frontière avant de prendre sa retraite sur la base ; un autre était un représentant du Cabinet de la Fédération et son insigne diplomatique luisait sur sa veste impeccablement repassée ; et l'une des femmes, la seule sur laquelle se posa le regard de Jim, était une magnifique créature blonde au visage sérieux, aux yeux bleu glace, et à la taille merveilleusement fine. Et elle portait un uniforme formel d'officier tactique, aussi, mais c'était nettement moins intéressant à regarder. Avec un sourire et un regard charmeur, Jim lui adressa un signe de tête poli, avant de saluer la délégation. L'amiral proposa alors aux trois explorateurs de déjeuner en leur compagnie, invoquant l'honneur de recevoir à sa table si célèbre équipage, mais on pouvait entendre à sa voix que le protocole l'emmerdait profondément et qu'il aurait préféré bouffer un sandwich seul en regardant une chaîne d'holotélévision divertissante plutôt que de parler sciences, navigation et politique avec des jeunots qui ne connaissaient rien à la vie. Jim sentit son ressentiment comme si on lui avait craché aux pieds mais il accepta la proposition à grand renfort de tout autant d'honneur, et il sentit l'amiral se braquer, ce qui lui valut un regard désapprobateur de la part de Bones. Ensuite, le représentant du Cabinet leur fit un résumé, tandis qu'ils quittaient les lieux pour une salle de réunion, de la situation spatiopolitique de la frontière et des potentiels dangers s'ils s'aventuraient trop loin dans la Zone Neutre. Par chance, la station scientifique qu'ils devaient visiter était très au large des régions sensibles, la présence de la nébuleuse dissuadant les empires romuliens et klingons de s'y aventurer. Il expliqua ensuite que les résidents de la station Azure X n'avaient plus envoyé de relevé ni de réponse aux messages depuis plusieurs semaines, et Jim flaira immédiatement les problèmes.

Par la suite, le groupe se disloqua. L'amiral indiqua à ses invités où se trouvait sa salle de restauration, puis il quitta la pièce avec la plupart de la délégation, ne laissant derrière lui plus qu'un vice-amiral andorien affreusement laid et la jeune femme blonde que Jim avait repéré plus tôt. A eux d'eux, ils symbolisaient les extrêmes de la beauté, pensa-t-il avec un sourire amusé. Le vice-amiral s'approcha d'eux et désigna son accompagnatrice.

« Je vous présente le Commandeur Sana, qui est arrivée sur la base il y a quelques jours sur l'USS Excalibur. »

Jim lui tendit la main pour la saluer, mais la jeune femme resta immobile et se contenta de lui adresser un signe de tête poli. Un peu gêné, le capitaine reprit sa position initiale en feignant ajuster sa tenue.

« Il est rare de voir un officier tactique supérieur sans son vaisseau, Commandeur », commenta-t-il dans une volonté de détendre l'atmosphère.

« L'Excalibur est en cale sèche », répondit Sana d'une voix plate et mesurée.

« Un problème ? Vous avez essuyé une attaque ?

- Non. »

La jeune femme jeta un coup d'oeil au vice-amiral, passa la pointe de sa langue sur ses lèvres en baissant le regard, et quand elle le ramena sur Jim, celui-ci était certain que ses pommettes s'étaient colorées d'un truc entre le bleu et le vert. Il identifia cette émotion comme étant de l'embarras (Spock réagissait étrangement de la même manière dans les mêmes circonstances).

« En vérité, à cause de nos nombreux récents voyages à travers différentes nébuleuses actives, il semble que la coque de l'Excalibur se soit oxydée. N'ayant pas de mission prioritaire dans l'immédiat, j'ai décidé de le laisser en maintenance sur la base. »

Jim plissa les yeux, la bouche entrouverte, n'étant pas certain de la véracité des paroles de Sana. Un regard au visage de Spock le convainquit de lui faire confiance, mais il restait tout de même un peu incrédule.

« Vous êtes en train de me dire que la coque a rouillé ?

- En quelque sorte, oui. »

Kirk resta quelques instants bouche bée, avant que McCoy ne le ranime en l'appelant discrètement, et il cilla en tentant de reprendre une attitude plus correcte.

« Wow. Euh, pardonnez-moi, j'ignorais qu'un vaisseau pouvait rouiller dans l'espace.

- Il semblerait que cette situation soit plus courante que vous ne l'imaginez, Capitaine », intervint Spock de sa voix grave et calme. « Vous vous basez sur une fausse croyance humaine, illogiquement fondée sur l'hypothèse que l'espace est vide d'atomes, ce qui n'est pas le cas. Et il est tout à fait scientifiquement possible qu'une exposition prolongée à des éléments moléculaires favorisant l'oxydation du métal fasse apparaître ce que vous appelez en langage vernaculaire, de "la rouille".

- Merci, M. Spock... », répondit évasivement Jim, l'air d'avoir été perdu au milieu de l'explication de son Premier Officier.

Le vice-amiral s'éclaircit la voix et reprit la parole : « Quoi qu'il en soit, le temps que l'Excalibur soit remis en état, le commandement de Starfleet a pensé que vous pourriez accueillir à votre bord le Commandeur Sana. Je crois que vous avez reçu un message à ce sujet. »

Jim se figea une nouvelle fois. Il se souvenait très bien du bandeau de Starfleet en tête du message, très reconnaissable, qui indiquait que son contenu était officiel, mais il était à peu près certain d'avoir lu en diagonale le texte, après les termes d'usage, les salutations et les rappels des titres et affectations des destinataires. De ce fait, il avait évidemment oublié qu'une partie de l'équipage de l'Excalibur embarquait sur l'Enterprise pour remplacer ceux qui étaient en permission sur Xobos. Cela permettrait aux hommes du premier vaisseau de gagner de l'expérience en découvrant le fonctionnement d'un autre navire, et à ceux du deuxième de pouvoir compter sur des systèmes opérationnels en cas de coup dur. Kirk s'efforça bien entendu de ne pas montrer qu'il avait été pris de cours et il sourit très diplomatiquement.

« Tout à fait. Nous vous avons réservé des quartiers sur le Pont D, Commandeur. Vous pouvez vous installer dès que vous le souhaitez, l'équipage sera ravi de vous y conduire à votre arrivée.

- Je vous remercie, Capitaine. »

Le vice-amiral et Sana les saluèrent une dernière fois, puis ils se détournèrent et quittèrent la pièce. Jim attendit que les portes coulissantes se soient refermées pour pousser un gémissement désespéré et agacé.

« Bon sang ! J'avais complètement oublié !

- Capitaine, je vous suggère de parler moins fort, l'ouïe des Vulcains est bien plus développée que celle des Humains. »

Décontenancé par les paroles de son Premier Officier, Jim se calma mais fronça les sourcils, se demandant si Spock faisait une telle requête car il lui cassait les oreilles en criant, puis il comprit en se rappelant soudain de ce qu'il avait lu dans le message de Starfleet.

« C'est vrai, elle est Vulcaine ! »

McCoy serrait les paupières pour chasser la fatigue quand il entendit ces mots. Il se redressa et adressa à Jim un regard alarmé.

« Attends, tu veux dire qu'on va avoir à bord un autre foutu gobelin au sang vert ?

- Docteur, je dénote dans votre ton -

- Elle est jolie. » Jim haussa un sourcil malicieux en adressant à son ami un regard entendu, coupant court à un débat qu'il savait perdu d'avance. McCoy eu la finesse d'esprit de ne pas renchérir et de détourner l'attention du Premier Officier de ses mots précédents :

« J'ignorais qu'il existait des Vulcains blonds.

- Elle est certainement originaire des contrées polaires de Vulcain. Le Commandeur Sana présente toutes les particularités physiques de la province de Pohr'Ka. »

Leonard hocha la tête pour montrer qu'il assimilait l'information, même s'il était à peu près certain qu'il aurait oublié le nom de la région quelques minutes plus tard. A côté, Jim s'approchait d'une console de conférence munie d'un ordinateur, située face à l'immense table ovale de la salle de réunion, et pianota sur le clavier digital. Après quelques instants, la figure pâle et les traits nobles de la jeune Vulcaine apparurent sur l'écran. Jim fit la lecture de la fiche :

« Le Commandeur vulcain Sana, de son nom complet S'tak T'lan Sana, est née à Tahrkama, en Pohr'Ka sur Vulcain en 2235. Elle a passé l'examen d'entrée de Starfleet en candidat libre à Edimbourg, en Ecosse sur la Terre en 2253 et a intégré la filière tactique comme élève officier. Elle s'est spécialisée au court de ses études en pilotage et combat naval, et a reçu des formations complémentaires en reconnaissance terrestre, combat au corps à corps et en diplomatie, avant de passer l'examen facultatif au commandement. Brillamment diplômée en 2257, elle est immédiatement promue au grade de lieutenant-commandeur et affectée sur l'USS Excalibur comme Premier Officier du Capitaine K. T. Ejrka. Elle lui succède deux ans plus tard lors du décès prématuré de ce dernier et mène avec succès pléthore de missions diplomatiques, lui permettant de recevoir les médailles de...

- Je crois qu'on a compris », le coupa McCoy en poussant un soupir. « On a encore à faire avec un petit génie aux oreilles pointues, visiblement.

- Il est tout à fait curieux, Docteur, que le Commandeur Sana, avec ses résultats, ait choisi un poste de tacticien. Il n'est pas dans la nature des Vulcains de ne pas adhérer aux sciences.

- Et bien, je suppose que vous pourrez lui demander ses raisons. »

Jim éteignit l'ordinateur puis se redressa pour regarder ses compagnons, mais c'était plutôt à son second qu'il s'adressa :

« On doit aller visiter quoi, maintenant ?

- En priorité, le laboratoire qui recevait les relevés de Azure X, puis je pense qu'il serait avisé de rendre visite à l'école élémentaire de la base. Le commandement de Starfleet et le Cabinet de la Fédération pensent que cela permettra de motiver les enfants de rencontrer un capitaine tel que vous. »

Kirk toussota, un peu gêné par ce compliment inattendu, puis il fit signe à ses amis de le suivre et il quittèrent la salle de réunion.

oOo

Le déjeuner protocolaire avec l'amiral de la base avait été diplomatiquement une réussite, mais socialement désastreux. Jim n'avait pas cessé de s'empêcher de soupirer et de répondre à grands coups de sarcasmes au ton critique et mécontent de leur hôte, qui semblait à peu près convaincu que le capitaine de l'Enterprise ne méritait pas tous les éloges qu'il avait pu entendre jusque-là.

Le repas terminé, il était temps de préparer le vaisseau pour le départ, et Kirk, Spock et McCoy ne tardèrent pas à rejoindre le spatioport de la base. Ils croisèrent en chemin tous ceux qui prenaient leur permission sur place, et qui firent exprès (Jim en était certain) de les narguer avec leurs tenues civiles, et les doigts de pied en éventail au bord des bassins et des lacs artificiels des jardins et des parcs. Au moment d'embarquer à bord de l'Enterprise grâce au ponton, cette fois, ils virent Chekov, qui venait tout juste de finir son quart, sortir en courant un sac sur le dos, visiblement pressé de rejoindre les autres.

Enfin, Jim rejoignit la passerelle et, après un compte-rendu rapide de la matinée auprès de l'officier qui avait pris la place d'Uhura, s'installa sur son cher fauteuil de commandement avant d'ouvrir une communication sur l'ensemble du vaisseau, comme il l'avait fait quelques heures plus tôt. Au même moment, Spock sortait du turbolift en compagnie de Sana.

« Ici le Capitaine Kirk, votre attention s'il vous plaît. Comme vous avez dû le voir, nous accueillons pour notre mission sur la station Azure une partie de l'équipage de l'USS Excalibur qui est actuellement en maintenance. Ils assureront les quarts de ceux qui prennent leur permission sur Xobos. Durant notre mission, vous aurez parfois l'occasion d'être dirigés par le Commandeur Sana, capitaine de l'Excalibur, j'attends de vous la même spontanéité et le même professionnalisme que d'ordinaire. Kirk, terminé. »

Jim coupa la communication, puis, tandis qu'il demandait au navigateur de vérifier que tout était prêt pour le départ, il quitta son fauteuil pour rejoindre Sana. Celle-ci lui adressa une expression qui ressemblait à un sourire poli, et il se demanda comment il avait fait pour ne pas voir plus tôt qu'elle était Vulcaine, même si elle semblait cacher ses oreilles dans les boucles de ses cheveux blonds. D'une manière néanmoins étrangement différente, elle paraissait tout aussi émotionnellement réservée que Spock, mais son regard bleu clair, par contraste avec les orbes d'obsidienne de son Premier Officier, semblaient briller avec plus d'ardeur et plus... d'humanité.

« J'apprécie votre volonté de me faire participer au commandement, Capitaine », dit-elle avec un mouvement de tête gracieux.

« Je pense que ce sera une expérience intéressante pour vous comme pour moi.

- En effet.

- Vous êtes-vous installée dans vos quartiers ?

- Oui, dans la matinée. Votre équipage a été très attentionné. »

Jim se félicita mentalement d'avoir pensé à prévenir l'Enterprise de l'arrivée du personnel de l'Excalibur. Par la suite, il échangea quelques mots avec elle et Spock au sujet de la mission, alors que la passerelle retrouvait son activité habituelle. Puis le pilote annonça le départ, et Jim rejoignit son fauteuil. Devant lui, l'espace sembla se tordre et se fondre en une masse sombre striée de lignes blanchâtres, et bien malgré lui, un sourire étira ses lèvres. Oh, il détestait visiter des stations scientifiques autant que les missions diplomatiques, mais il était toujours là, dans l'espace, au milieu de nulle part, avec cette immensité si vide et si silencieuse, tout ce noir piqueté d'étoiles, au-dessus, de toutes parts, et il voguait là plus librement que n'importe qui. Et c'était ça qui comptait, chaque jour qui passait.


Fait parodique utilisé : "L'Enterprise développe un mauvais cas de "rouille de l'espace" et doit passer la plupart de l'épisode en cale sèche avec des peintres se demandant comment faire sécher de la peinture dans l'espace."

Ne voyez aucun self-insert dans le personnage de Sana. Je reprends seulement un personnage que j’avais créé il y a quelques temps et duquel je me suis inspiré aussi pour créer ce blog.
P’is de toute façon, j’aime pas les self-insert D:

Allez, j’espère que ça vous a plu. A bientôt !

21 octobre 2016

It’s easy to get lost in the vastness of space.

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“Il est facile de se perdre dans l’immensité de l’espace. Il n’y a que vous, votre vaisseau, votre équipage.”


Journal personnel du capitaine, date stellaire : 161021.

J’ai beau être officier de Starfleet, et capitaine de mon propre vaisseau, je ne peux qu’être touchée et saisie par cette vérité essentielle qui, à mon sens, est trop souvent oubliée. L’espace, si noir, si silencieux et si froid ; l'espace, d’une immensité oppressante et étourdissante. Il nous entoure et pourtant, ne s’arrête jamais. Où que nous regardions, il est présent, entre les étoiles, dans les distances qui nous séparent de toutes les planètes de la Fédération ; il est dans la télémétrie, dans la puissance de nos réacteurs, dans les examens de nos senseurs. Il est dans ce pour quoi nous travaillons, en quoi nous fondons nos espoirs et voyons l’avenir.

L’espace est infini, terrifiant dans sa diversité, rassurant dans sa simplicité. Il est ce qui nous lie tous, car nous sommes ses enfants, mais il est aussi ce qui nous sépare, et rien que pour cette opposition, il est fascinant.

Je me suis engagée dans Starfleet par vocation, car je rêvais depuis toujours de parcourir ces incroyables distances, de rencontrer des espèces différentes de nous, en tous points, et de voir ce que les espoirs et les croyances de la Fédération pouvait apporter à notre galaxie. Aujourd’hui, je suis fière de porter l’uniforme de Starfleet, je suis fière d’appartenir à la Fédération, et je crois en l’unification de notre monde. C’est pour quoi je me lève chaque jour, même si l’immensité impersonnelle de l’espace me terrifie. 

Je ferai tout pour que l’USS Nagano - mon équipage et moi-même - garde son identité dans ce noir silencieux impénétrable.

Fin de l’enregistrement.


 D'après un billet d'oscaricaas.

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